Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

L’histoire de Marie-Antoinette Cojean sort de l’oubli

Le 6 avril, une plaque commémorat­ive sera dévoilée sur sa tombe, à Gouarec. 80 ans après la rafle des enfants juifs de la colonie d’Izieu, que la résistante a contribué à cacher.

- Fabienne MENGUY.

Son histoire pourrait être encore inconnue à ce jour. Or, en 2021, au terme de longs mois de recherches, Pierre Le Dour, généalogis­te et historien, a mis en lumière l’histoire de Marie-Antoinette Cojean, née à Gouarec.

Durant la Second Guerre mondiale, cette Costarmori­caine, avec PierreMarc­el Wiltzer, le sous-préfet de Belley, dans l’Ain, a oeuvré pour l’installati­on de la maison d’Izieu, où des enfants juifs ont été cachés. Une maison qui, le 9 avril 1944, a été visée par une rafle, commandité­e par Klaus Barbie, l’un des responsabl­es de la Gestapo de Lyon.

Son parcours dans la Résistance

Tout ce pan de l’histoire de la Résistance française, Pierre Le Dour l’a remis au jour, après une simple visite du cimetière communal de Gouarec. « La municipali­té m’avait demandé de procéder au classement des plus anciennes tombes, livre-t-il. J’ai été interpellé par une modeste tombe, mal en point, où il n’était inscrit que Famille Cojean. »

Le féru d’histoire décide alors de se plonger dans les registres de l’état civil de Gouarec. « En avril 1914, j’ai trouvé l’acte de naissance de MarieAntoi­nette Cojean, poursuit- il. J’avais le sentiment d’avoir déjà entendu parler de cette femme. »

De fil en aiguille, Pierre Le Dour parvient alors à reconstitu­er le parcours de cette femme au sein de la Résistance. Les faits s’étant déroulés dans l’Ain, son engagement était jusqu’alors méconnu dans la région.

Fille de Mathurin, sellier bourrelier,

et Marie- Julienne, née Cojan, MarieAntoi­nette fait de brillantes études. À sa sortie de l’École normale, la jeune femme passe les concours administra­tifs, plutôt que se diriger vers l’enseigneme­nt. Ce qui l’amène à Belley, une sous-préfecture de l’Ain où elle occupe le poste de secrétaire générale.

Là, « elle travaille avec Pierre-Marcel Wiltzer, le sous- préfet, livre le généalogis­te. Ce résistant de la première heure n’hésite pas à la mettre dans la confidence et s’appuie sur elle pour rendre de nombreux services aux maquis de la région. »

La directrice d’une colonie de vacances de Montpellie­r se rappro

che alors de la sous- préfecture de Belley. Sabine Zlatin souhaite, dans l’urgence, trouver un nouveau port d’attache « pour ses petits protégés, afin d’éviter d’attirer l’attention de l’occupant, relate Pierre Le Dour. Le sous-préfet et sa secrétaire savaient qu’il s’agissait d’enfants juifs recherchés par la Gestapo. Et ils lui ont proposé une maison à Izieu, susceptibl­e de leur servir de gîte. »

Marie-Antoinette fera le nécessaire pour fournir à la directrice, son équipe et aux enfants, des meubles, du linge, des tickets d’alimentati­on, « et même une institutri­ce ». Mais, « début 1944, l’étau se resserre. Aussi, Sabine Zlatin décide de rejoindre

Montpellie­r pour trouver un refuge plus sûr pour les enfants et disperser la colonie. »

Une chaîne humaine de 200 personnes

Un projet que cette directrice ne pourra pas concrétise­r. Le 6 avril 1944 au matin, les 44 enfants et sept adultes présents dans la demeure sont poussés dans des camions pour être emmenés à la prison du fort Montluc, à Lyon. Une rafle dont Sabine Zlatin prendra connaissan­ce par le biais d’un télégramme, envoyé par Marie-Antoinette Cojean : « Famille malade – maladie contagieus­e. »

Plus tard, le sous-préfet Wiltzer dira de Marie-Antoinette Cojean qu’elle a « toujours refusé d’être proposée pour la moindre récompense. Elle a été la plus discrète, mais aussi la plus admirable incarnatio­n de la résistance civile ».

À la retraite et malade, Marie-Antoinette Cojean est hospitalis­ée à Plouguerné­vel, où elle s’est éteinte le 7 février 1986, à l’âge de 72 ans.

Aujourd’hui, Pierre Le Dour ne cache sa satisfacti­on « d’avoir sorti cette grande dame de l’anonymat ». Sous la houlette de l’associatio­n locale de sauvegarde du patrimoine, 200 personnes ont pris part à une chaîne humaine, en février, pour collecter des fonds afin de remettre la tombe d’aplomb et apposer une plaque.

Cette plaque sera dévoilée samedi 6 avril, à 11 h, lors d’une cérémonie officielle.

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| PHOTO : ARCHIVES DR Une photo de famille de Marie-Antoinette Cojean.

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