Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Parfois admiré, parfois méprisé, le coc
Dispensant aux humains d’innombrables bienfaits, le porc a été un animal de premier plan presque partout en France.
Outre sa consommation sous forme de viande fraîche, le porc a donné naissance à plus de 450 spécialités charcutières ! Une extraordinaire variété, liée à la diversité des terroirs, des savoir-faire et des traditions locales. Si la Bretagne est, de très loin, la première région porcine française, c’est la Normandie qui, dans le Grand Ouest, possède le plus grand nombre de produits de charcuterie traditionnels (nous en parlerons dimanche prochain).
Un animal qui inspirait respect et méfiance
Jusqu’au milieu du XXe siècle, les paysans français faisaient preuve d’une grande déférence à l’égard du cochon : ils l’appelaient « le Monsieur » ! Ce respect découlait des innombrables bienfaits que le porc dispense aux humains. Prolifique, facile à élever et peu coûteux à nourrir (il mange de tout), le porc était prodigue : sa peau fournissait du cuir, ses os de la colle, ses soies des pinceaux, sa vessie des blagues à tabac, et sa graisse rancie servait à lubrifier les essieux des charrettes. Mais c’est d’abord pour sa chair abondante, son gras généreux, ses abats et son sang que cet animal a été élevé par l’Homme. Avantage supplémentaire : il peut être transformé en charcuteries, par salage, séchage, fumage ou cuisson. Ces produits étaient très précieux car ils permettaient de disposer de réserves de nourriture jusqu’à la fin de l’hiver.
Il n’est donc pas étonnant que le porc domestique ait été très tôt associé à la sécurité alimentaire et à la richesse. Rappelons-nous la forme de cochon des anciennes tirelires en porcelaine, un mot dérivé du latin porcella qui signifie « petite truie ». Le porc symbolisait aussi la fertilité : la truie est très prolifique, et sa gestation dure 3 mois, 3 semaines et 3 jours ! Ces chiffres avaient frappé les esprits des Anciens, très imprégnés de symbolisme.
Le cochon a une autre particularité : sa proximité biologique avec l’espèce humaine. Comme nous, il est omnivore et ses organes internes sont disposés comme les nôtres. C’est pourquoi, au Moyen Âge, les futurs médecins étudiaient l’anatomie en « ouvrant » des cochons (jusqu’au XVe siècle, l’Église interdisait de disséquer les cadavres humains). Ce cousinage pourrait expliquer l’attitude ambivalente que les Hommes ont, de tout temps, manifesté vis-à-vis du porc : tantôt admiration et attirance, tantôt mépris voire refus absolu d’en manger la chair.
Dans l’Antiquité, de nombreux peuples méditerranéens – Égyptiens, Crétois, Phéniciens, Hébreux – avaient banni le cochon de leur alimentation. En revanche, les Grecs, les Romains, les Germains, les peuples scandinaves et slaves en appréciaient beaucoup la chair. Ainsi que les Gaulois qui, contrairement à Obélix, ne mangeaient pas de sanglier mais du porc d’élevage (ils exportaient jusqu’à Rome leurs salaisons très réputées).
Pas de cochon rose avant le XVIIIe siècle
Au Moyen Âge, dans l’Occident chrétien, les cochons vivaient jusqu’au coeur des villes où ils jouaient le rôle d’éboueurs en dévorant les ordures jetées dans la rue. Mais progressivement, l’Église fit du porc un animal porteur de nombreux vices : elle le qualifiait d’immonde, de sale, de glouton, de débauché et de lubrique. Plus grave encore, ayant en permanence la tête tournée vers le sol qu’il fouille de son groin, le cochon ne regarde pas Dieu !
Il a fallu attendre le XVIIIe siècle pour voir apparaître les premiers cochons roses, résultat du croisement de races européennes de couleur noire, grise ou brune avec des porcs asiatiques à la robe claire.