Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

FLe salaire de la peur, une copie très pâle

Soixante- dix ans après le chef- d’oeuvre d’Henri- Georges Clouzot, Julien Leclercq reprend les bases du film d’aventures pour une version qui n’a rien d’explosive.

- Pierre LUNN.

Pourquoi s’attaquer à un remake du Salaire de la peur en 2024 ? Ce classique tout- terrain d’Henri- Georges Clouzot, datant de 1954 et porté par Charles Vanel et Yves Montand, est une référence incontesté­e du cinéma français, un film d’action viscéral qui cachait un chef d’oeuvre de pessimisme, de cynisme et de désespoir. Une vision de l’homme aussi noire que philosophi­que.

Julien Leclercq, plus connu pour ses films explosifs que pour sa passion pour Camus, s’est donc chargé du remake. Mais comme il l’expliquait récemment, « faire un remake plan pour plan, personnage pour personnage, n’avait aucun intérêt pour moi. Je garde le coeur du script, cette mission- suicide ».

Des personnage­s caricatura­ux

Le salaire de la peur commence donc dans un pays non identifié d’Afrique. Franck Gastambide interprète un mercenaire, qui, après avoir vécu une vie de violence, a décidé de se poser. Pourtant, quand on lui offre de sortir de prison, son frère injustemen­t incarcéré (Alban Lenoir), il accepte immédiatem­ent la fameuse mission- suicide : transporte­r deux camions bourrés de nitro à travers le pays et les convoyer jusqu’à un puits de pétrole où ils servi

ront à éteindre un incendie. Dès les premières minutes, on mesure tout ce qui ne va pas : les dialogues d’une affligeant­e banalité ; les comédiens qui interprète­nt des personnage­s caricatura­ux et qui sont réduits à esquisser des grimaces ou à jeter des regards emplis de mélancolie

vide ; les enjeux d’une intrigue trop mince pour intéresser le spectateur.

À la différence de Clouzot, la version de Leclercq ne véhicule aucun message, ne porte aucune vision du monde. Le réalisateu­r se contente de regarder ses mercenaire­s avancer dans le désert, de cadrer les fioles de nitro s’entrechoqu­er dans les camions et de montrer les snipers cachés dans montagnes tirer sur ses personnage­s. Pas un remake, ni un reboot, juste une pâle copie lyophilisé­e et sans grand intérêt. 1 h 44. Sur Netflix.

 ?? PHOTO REDA LAAROUSSI, NETFLIX ?? Ana Girardot et Franck Gastambide­nt, dans « Le salaire de la peur », sur Netflix.
PHOTO REDA LAAROUSSI, NETFLIX Ana Girardot et Franck Gastambide­nt, dans « Le salaire de la peur », sur Netflix.

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