Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Trois fascinantes aventurières de la pop-folk
Pop. La Canadienne Dana Gavanski, la Britannique Jane Weaver et l’Américaine Julia Holter repoussent les limites du genre tout en restant accueillantes à l’oreille. Du grand art.
Dana Gavanski
Comment se sentir inconfortable ? Comment se sentir vivant ? C’est l’interrogation existentielle de Dana Gavanski dans le premier single (How to Feel Uncomfortable) de son troisième album. Elle y oppose l’addiction numérique aux vertus inconfortables et perdues de l’ennui. Depuis 2020, la Canadienne livre, entre grâce et acidité, ses réflexions sur elle-même et les contradictions de notre monde. Sa voix pure aime jouer avec les limites de la justesse, vibrant sur un fil unique. On adore, mais on peut en être déstabilisé.
Une nouvelle fois associée à Mike Lindsay (Tunng), Dana a cette fois lâché sa guitare pour composer à l’ordinateur. Cela a favorisé des curiosités stylistiques, comme un Ears are Growing au funk très Talking Heads. Pas étonnant, Dana partage avec David Byrne une voix limite et le goût des extrêmes mélodieux.
Late Slap, Full Time Hobby, 10 titres, 41 min. Sortie le 5 avril.
Jane Weaver
C’est la grande dame britannique de la pop/folk cosmique. Mais elle n’a trouvé un public grandissant que depuis dix ans. Love in Constant Spectacle, son 10e album, convoque plus de guitares dans l’univers de cette maîtresse des synthés analogiques et lâche les rênes du surréalisme tout en restant accueillant à l’oreille.
Pour ses textes, Jane s’est inspirée des sous-titres de films étrangers, donnant un ton décalé à un disque évoquant fragilité et mortalité, sans être pour autant plombant. L’album n’est cette fois pas produit par son époux Andy Votel mais par l’imparable John Parish (PJ Harvey, Aldous Harding…). Une dimension supplémentaire à un univers d’une fascinante cohérence.
Love in Constant Spectacle, Fire, 10 titres, 41 min. Sortie le 5 avril.
Julia Holter
L’Américaine a suivi une formation académique de compositrice. Et si ses fondations sont la folk, il y a dans son écriture une sophistication et une audace singulières. Son 6e album studio intègre des éléments de jazz et de musique contemporaine, mais propose toujours les lignes de vie qui le relient aux frontières de la pop-folk.
Comme ce très liquide Evening Mood inspiré par le film d’animation Ponyo que sa fille adore, un Sun Girl à la fois pastoral et aérien ou l’un peu plus conventionnel Something in the Room She Moves qui donne son nom à l’album. Il y a quelque chose d’insaisissable dans l’art (et la voix) souple de Julia Holter, mêlant accroches fortes et abstractions sonores. Il ne faut pas trop disséquer, juste se laisser mener.
Something in the Room She Moves, Domino, 10 titres, 53 min.