Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Fukushima a-t- elle pu mener à un infanticide ?
Partant d’un atroce fait divers, la journaliste Karyn Nishimura retrace le parcours d’une jeune mère dont la vie a basculé après la catastrophe. Un roman pour aborder les sujets tabous au Japon.
« Je me prenais à rêver qu’un Badinter japonais émerge soudain dans le prétoire. » L’ancien garde des Sceaux est décédé quelques jours après la parution de L’affaire Midori, le roman de Karyn Nishimura. La journaliste française, en poste au Japon depuis vingt- cinq ans s’est sans doute inspirée de celui qui a fait abolir la peine de mort en France, lorsqu’elle a écrit la plaidoirie de l’un de ses personnages, l’avocat Kazuo Nishimiya. Sa cliente a avoué trois infanticides. « Que serait- elle devenue sans ce terrible accident nucléaire qui aurait pu être évité ? » demande-t-il.
Fukushima. On a parlé des blessés, des dégâts matériels, des conséquences sur l’environnement et la santé. Beaucoup moins du traumatisme à vie, pour des populations entières, notamment ceux qui ont dû tout quitter ce jour de mars 2011.
Traumatisme à vie
C’est ce que raconte Karyn Nishimura dans son roman, l’histoire d’une jeune mère en perdition qui finit par tuer ses enfants. Des infanticides, il en existe au Japon. L’autrice a imaginé celui- ci en réunissant, dans un seul cas, plusieurs affaires. « Un condensé d’histoires et de personnages réels assemblés dans une fiction », résume l’autrice. Elle dit avoir eu besoin de ce roman pour « se décharger », s’exprimer sur des sujets qui la choquent, comme on ne peut pas le faire au Japon.
« On ne parle pas de politique ni de tout sujet qui fâche entre collègues,
entre amis, ou à la maison, résume l’ancienne journaliste de l’Agence France- Presse et qui travaille actuellement pour les stations de Radio France. Il y a beaucoup de tabous. »
Pas question de remettre en cause la peine de mort. « 80 % des Japonais y sont favorables. » Mieux vaut
tenter de comprendre certains comportements en explorant les parcours humains.
Dans ce roman bien rythmé, l’autrice porte un regard très aiguisé, dépassant beaucoup de clichés. On découvre un Japon toujours envoûtant, mais où la politesse et le respect excessifs confinent à l’introversion extrême. Une analyse pleine d’humanisme, également, sur l’enchaînement non maîtrisé d’événements qui conduisent au pire.
L’affaire Midori, Picquier. 180 p. 17 €.