Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Fayza Lamari, la maman derrière Kylian Mbappé
Portrait. La mère du capitaine des Bleus a toujours supervisé la carrière de son fils. Au fil du temps, elle s’est affirmée comme l’une des femmes les plus puissantes du foot.
Un vendredi soir du mois de mars, au stade Louis- II de Monaco. Tous les regards sont tournés vers la tribune présidentielle. Kylian Mbappé, sorti à la pause par Luis Enrique, est parti s’asseoir à côté de sa mère, Fayza Lamari, comme pour y trouver du réconfort. La scène illustre parfaitement la place de choix qu’occupe cette femme de 49 ans dans la vie du champion du monde 2018.
Au fil des années, elle est devenue plus que la « mère de ». Elle s’est construit une réputation au point de regarder Nasser al-Khelaïfi, président du PSG, dans les yeux lorsqu’il y a deux ans, elle a négocié la prolongation de contrat de son fils au PSG.
Fayza Lamari, qui n’a pas répondu à nos sollicitations, s’était montrée redoutable en affaires, négociant un salaire annuel record estimé à 72 M€ brut, sans compter les primes. « Il n’y a pas de culpabilité, ni de honte. Si on avait pu prendre 10 milliards, on les aurait pris car c’est le système qui veut ça », expliquait- elle à Élise Lucet en janvier, dans l’émission Envoyé Spécial.
« Elle, c’était plus la personne qui parlait au nom de Kylian, par rapport à ses demandes, rapporte une source proche du dossier, qui ne garde pas un très bon souvenir de ces interminables discussions. Elle dit blanc et le lendemain, elle peut dire noir. Elle changeait tout le temps d’avis. »
Intransigeante, elle ne fait pas d’exception pour son fils lorsqu’il faut parler de gros sous. « Je lui ai dit : en dessous de 30 % (de commission), je ne fais pas ! Je me retire et je fais comme tout le monde : je pars en vacances aux Maldives, mais je ne bosse pas pour toi ! »
« Une absence d’instrumentalisation de l’enfant »
Si ces déclarations renvoient l’image d’une femme opportuniste qui aime l’argent, l’avocate historique de la famille plaide l’inverse. « Ce qu’il faut retenir du système Mbappé, c’est une absence d’instrumentalisation de l’enfant, considère Delphine Verheyden, contactée par Ouest-France. Ses parents n’ont jamais pensé que Kylian était leur ticket de loto gagnant. » Ce que confirme Daniel Boga, ancien recruteur du centre de formation de Chelsea (Angleterre) : « L’argent n’a jamais été leur priorité. Ils cherchaient avant tout le chemin le plus court pour que leur fils joue en équipe première. »
À l’époque, le gamin n’a que 11 ans. Il est surclassé dans les catégories de jeunes à Bondy, et fait l’objet de convoitises. Fayza Lamari se montre déjà très exigeante dans les négociations. « Elles ont duré plus de deux ans. On
a eu du mal à ne pas s’essouffler », se souvient Laurent Glaize, ancien recruteur du SM Caen. Malherbe tenait la corde avant que Mbappé ne rejoigne finalement Monaco. « Elle voulait qu’on les aide à trouver un logement autour du centre de formation. Elle s’intéressait aussi à l’accompagnement scolaire et humain. »
Ancienne éducatrice spécialisée, née à Bondy, Fayza Lamari attache dès le départ beaucoup d’importance à l’éducation de son fils, comme le papa Wilfried Mbappé, duquel elle est séparée depuis 2020.
Elle s’entoure de personnes de confiance qui lui restent loyales, même des années après. La preuve, certaines sollicitent encore son autorisation avant de nous répondre.
Lorsque Yannick Saint-Aubert, le directeur de l’école Pasteur, que le jeune Kylian fréquente du CP au CM1, change d’établissement vers Olympe- de- Gouges, Mbappé le suit en CM2.
« Il fallait qu’il ait le bagage suffisant pour être autonome et librepenseur. Kylian avait un potentiel intellectuel très important », explique- t- il.
« Elle lui a fait porter de vieux habits pendant quinze jours »
Dans son livre, Mbappé le phénomène aux éditions de l’Archipel, le journaliste Arnaud Hermant raconte une anecdote qui illustre bien ce propos. « Un jour, Kylian a dû ramasser 20 boulettes de papier par terre dans la cour. Il en a pris dix et les a coupées en deux. »
Dans la jeunesse de « KM7 », Fayza Lamari amène son fils vers d’autres horizons. Elle l’inscrit au conservatoire où il apprend à lire la musique et à jouer de la flûte traversière.
Elle sait parfois le recadrer avec autorité, notamment lorsqu’au collège, il se moque des vêtements d’un camarade. « Pour lui faire comprendre que ce n’était pas bien, elle lui a fait porter de vieux habits pendant quinze jours ou trois semaines », rembobine Yannick Saint-Aubert.
Plutôt discrète au début de la carrière de son fils, elle est peu à peu sortie de l’ombre. « Elle ne voulait pas apparaître dans les médias car elle était attachée à sa tranquillité. Mais au fil des mois, elle s’est rendu compte que Kylian se retrouvait tout seul en première ligne », affirme Delphine Verheyden.
Sa personnalité détonne dans le monde du football. Son souhait d’ouvrir une « structure » pour accompagner des « personnalités qui auraient envie de faire bouger les lignes », que certains voient comme une agence déguisée, irrite.
« La fonction d’un agent est de mettre en relation un joueur et un club contre une rémunération. Ce n’est pas, à mon sens, l’activité de la famille Mbappé, nuance un avocat mandataire sportif français. Il est un jeune chef d’entreprise qui a la puissance d’une multinationale. Il a besoin de compétences autour de lui. »
Fayza Lamari l’a bien compris et a su, au fil du temps, déléguer aux personnes compétentes, tout en gardant un oeil. « C’est comme si elle était devenue directrice d’un grand hôtel. Ce n’est pas elle qui cuisine mais elle connaît les menus disponibles à la carte. Elle reste très présente et très vigilante sur le travail qui est fait par son équipe, mais l’erreur serait de la dépeindre comme celle qui fait tout », dessine Delphine Verheyden.
Fayza Lamari sait aussi utiliser le monde médiatique à son avantage. Comme lorsqu’Élise Lucet sollicite Kylian Mbappé pour une interview, et qu’elle négocie en contrepartie un reportage d’Envoyé Spécial sur son association Inspired by KM, qui accompagne 98 jeunes jusqu’à leur entrée dans la vie active. « Elle avait choisi certains journalistes dont elle était proche. Notamment ceux qui comptent », assure un observateur.
Coïncidence ou pas, Julien Maynard et Pascal Ferré, respectivement ancien journaliste de TF1 et rédacteur en chef de France Football, travaillent aujourd’hui au PSG. Quant à Bilel Ghazi, ex-journaliste à L’Équipe, il a rejoint le clan Mbappé.
Malgré une communication pensée et réfléchie au millimètre, Fayza Lamari laisse à son fils la main sur ses réseaux sociaux. Quitte à prendre quelques risques puisque le contenu qu’il diffuse est parfois sujet à polémiques : #Pivotgang, « Kylian Saint- Germain », message de soutien après la mort du jeune Nahel…
Si Kylian Mbappé part au Real Madrid, c’est avec son patron charismatique, Florentino Perez, que Fayza Lamari devra désormais composer.
« C’est comme si elle était devenue directrice d’un grand hôtel »