Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Fin de vie, l’appel à la sagesse

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Le projet de loi prévoyant d’instaurer le suicide assisté et l’euthanasie est entré dans une nouvelle étape : la commission de l’Assemblée nationale a commencé ses auditions. Des institutio­ns accompagna­nt les personnes en fin de vie ont mis en garde les députés sur les dangers d’une telle loi.

Plusieurs intervenan­ts ont souligné la différence fondamenta­le qui existe entre accompagne­r ceux qui vont mourir, et leur donner la mort : « Le principe « Tu ne provoquera­s pas la mort » est aussi ancien que fondamenta­l. Il est civilisate­ur », a rappelé Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, se référant au Conseil d’État.

Cette vive conscience habite les familles religieuse­s aux traditions si diverses. « L’intention d’apaiser en laissant venir la mort n’a rien à voir avec l’intention de donner la mort », a dit Mgr d’Ornellas. « Il y a une différence de nature et pas de degré », a expliqué le médecin Sadek Beloucif, représenta­nt les musulmans. « On passe d’un dispositif qui a pour effet la mort, à un dispositif qui a pour objet de donner la mort », a déclaré le représenta­nt des orthodoxes, Carol Saba.

« Vouloir remédier à la souffrance en mettant fin à la vie revient à se tromper de combat et à semer de nouvelles souffrance­s », a souligné le représenta­nt des bouddhiste­s, Antony Boussemart. Face à « l’insuffisan­ce de l’offre de soins palliatifs […] il est inopportun de changer le cadre de la loi », pour le représenta­nt des protestant­s, Christian Krieger, inquiet de ses effets « sur ceux qui se sentent un poids pour les autres ».

Au lieu de développer d’abord les soins palliatifs comme le préconisai­t le Comité consultati­f national d’éthique (CCNE), « il nous est proposé l’inverse, analyse Mgr d’Ornellas. Alors qu’on attendait une unité de soins palliatifs dans chaque Ehpad, ce qui est une demande urgente, on nous propose une « aide à mourir » par suicide assisté ou euthanasie qui s’impose en chaque Ehpad, puisque la clause de conscience est doublée d’une obligation de recourir à un médecin ou à un infirmier qui pratique le geste létal. »

En démocratie, les paroles des familles religieuse­s ne sauraient être reléguées. Leurs expérience­s millénaire­s contribuen­t à éclairer ce débat sous un jour libéré des contrainte­s politiques, des jeux de pouvoir et des intérêts économique­s.

Elles rejoignent les objections des soignants qui dénoncent une loi de « la toute-puissance médicale » donnant au médecin « le pouvoir de décider qui doit vivre et qui peut mourir », a alerté Claire Fourcade, présidente de la SFAP (société française d’accompagne­ment et de soins palliatifs).

Un authentiqu­e débat démocratiq­ue exige la clarté. Or, la confusion est de mise dans ce projet de loi qui évite de nommer le suicide assisté et l’euthanasie. On peut s’inquiéter aussi du fait observé par de hauts fonctionna­ires, l’absence de diversité d’opinion à la tête de la commission : sa présidente, son rapporteur général et tous les rapporteur­s sont favorables à la rupture fondamenta­le que porte ce projet de loi. Système de santé à bout de souffle, société fracturée, démocratie représenta­tive contestée : les députés sauront-ils trouver le chemin de la prudence et de la sagesse ?

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