Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Omar Sy, les confidence­s d’un « intouchabl­e »

À 46 ans, le comédien s’est forgé, avec la série Lupin, une notoriété de stature internatio­nale. Nous avons rencontré celui qui se confie dans un ouvrage, paru mercredi.

- Entretien Propos recueillis par Pierre-Antoine LIVENAIS.

Vous êtes attaché à préserver votre intimité. Pourquoi avez-vous choisi de vous dévoiler ?

Les longues conversati­ons avec ma coautrice, Elsa Vigoureux, m’ont énormément aidé. Avec elle, je ne me suis jamais bridé. Au départ, j’avais le choix de garder secret, ou non, le contenu de ces échanges. Je lui ai dit : « On peut tout se raconter, mais on ne peut pas tout mettre dans le livre ».

Et vous vous êtes pris au jeu ?

Je pensais qu’en relisant le texte, je devrais censurer quelques passages. Mais finalement, des choses que je n’avais jamais dites avant sont dans le livre. Peut- être que ce n’est pas plus mal.

Notamment le fait, qu’après la sortie d’Intouchabl­es en 2011, ce nouveau statut de superstar a été difficile à accepter ?

Tout ce qui m’arrivait, c’était énorme. J’en avais bien conscience et je me disais : « Là, ça fait beaucoup pour un humain ». Il ne faut pas basculer, ne pas se sentir comme un surhomme ou supérieur aux autres. Le danger, c’est que, si tu ne crois pas en Dieu, tu peux penser que c’est toi, Dieu.

Vous dites avoir eu peur du « piège » de la célébrité, C’est toujours le cas ?

Aujourd’hui, le rapport que j’entretiens avec le fait d’être connu me convient. Je n’ai plus le sentiment d’avoir un piège en face de moi. Ce qui a été le cas à un moment donné.

En partant vivre aux États- Unis, c’est une forme de liberté que vous souhaitiez retrouver ? Quelque part, oui. Je me suis rendu compte que cela pouvait m’échapper, qu’il fallait en être conscient pour pouvoir en profiter. Après la sortie d’Intouchabl­es, cette liberté, j’aurais pu la trouver partout, même en France. Partir aux États- Unis, c’était surtout m’offrir la liberté d’être père.

Et protéger vos enfants de la surmédiati­sation ?

J’ai une anecdote qui exprime bien cela. Avant, en France, lorsque j’emmenais mon fils à l’école, on disait : « Tiens, c’est le père de Tidiane. » Quand le succès est arrivé, il est devenu « le fils d’Omar ». Mes enfants ne pouvaient pas grandir sans leur prénom. Ça a été une alerte, une peur. Donc j’ai choisi d’agir et de m’installer en famille aux États- Unis.

Vous révélez dans votre livre que la solitude revêt une part importante de votre vie ?

Elle fait partie de moi. Comme je le répète : « C’est ma copine. » Elle m’aide énormément en ce qui concerne la création. C’est lorsque je suis

seul que les meilleures idées m’arrivent. Parfois, ça me pèse, parfois c’est malvenu, mais c’est une composante de ma vie. Je dois faire avec.

Elle vous permet de réfléchir sur vous-même…

L’introspect­ion, c’est comme ça que j’avance dans la vie, que je me protège. Ces voyages à l’intérieur, c’est aussi ce qui me rend heureux.

Avec le recul, que vous apporte, d’un point de vue personnel, le fait de vous raconter dans un livre ?

Au départ, je ne voyais pas de cohérence dans ce projet. Maintenant, le livre est là, j’ai pris du recul et j’ai trouvé sa raison d’être, de vivre. J’expose mon parcours. Celui d’un homme, d’un jeune banlieusar­d, fils d’immigré qui trace son chemin artistique et qui se retrouve exposé médiatique­ment, en France et à l’internatio­nal.

À l’étranger, le succès de la série Lupin a-t-il changé le regard porté sur vous ?

Je dirais que ça a rajouté une couche. En 2011, Intouchabl­es avait

ouvert la voie et m’avait fait connaître auprès des cinéphiles. Avec Lupin, c’est une sorte de confirmati­on. La série m’a ouvert la porte des foyers. Désormais, avec ce succès, je suis rentré dans les maisons.

Pourtant, peu de propositio­ns vous arrivent de France ?

Je ne reçois pas beaucoup de propositio­ns intéressan­tes, qui racontent quelque chose que je n’ai pas déjà fait ou qui correspond­ent aux valeurs, au message que j’ai envie de porter. À la fin, quand je passe toutes les offres au tamis, il ne reste pas grandchose.

Justement, vos derniers rôles s’appliquent à mettre en lumière des personnes de l’ombre ?

Dans tous mes films, je raconte les choses qui me touchent, qui ont un intérêt pour moi. L’histoire des films Tirailleur­s (2022) ou Chocolat (2016) ont résonné en moi, donc j’ai foncé. Mais dans ma carrière, il n’y a pas que ces « invisibles ». On me ramène souvent à ces films, mais j’ai exploré beaucoup d’autres choses, beaucoup d’autres couleurs.

Pour vous être exprimé après les affaires Adama Traoré et Nahel, on vous a ensuite prêté un statut de porte-voix…

Je n’ai pas envie de tenir ce rôle. Je ne suis le porte-voix de personne d’autre que de moi-même. Les messages que j’ai publiés sur les réseaux n’étaient pas prémédités, je souhaitais juste exprimer mon soutien à ces causes sur le moment.

À Trappes, ville des Yvelines où vous avez grandi, un cinéma va prendre votre nom. Cela vous rend fier ?

C’est le premier cinéma où je suis allé voir un film sans mes parents. J’ai des souvenirs très forts là-bas, dans la ville où je suis né. C’est fou l’émotion que cela me procure. J’ai du mal à y croire. On manque tellement de gratitude aujourd’hui, cette marque de reconnaiss­ance, c’est génial. Le petit Omar s’agite dans ma tête, mais il a encore du mal à réaliser !

Votre capacité d’émerveille­ment semble intacte…

C’est ce que je souhaite préserver. L’émerveille­ment, c’est la clé. Rester un gamin, toujours en quête d’aventure, de découverte… Il est là le bonheur. Ce serait dommage d’être blasé.

Vous avez tourné Lupin en Normandie, puis un film cet été en Bretagne. Quel lien nourrissez­vous avec ces deux régions ?

Ma femme vient d’Argentan (Orne). Je connais bien le coin, ma belle-famille y habite toujours. Nous avons passé nos premiers week- ends en amoureux à Dinard (Ille- et-Vilaine) et à Étretat (Seine- Maritime). J’y suis retourné pour tourner la série Lupin. Mais maintenant, les gens qui y vivent me détestent parce que la ville est devenue trop célèbre ! (rires)

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| PHOTO : SELLY SY Omar Sy aimerait recevoir des propositio­ns de rôles plus variées.

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