Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Qu’est- ce qu’un bon livre politique, aujourd’hui ?
Dans l’immense flot des publications, comment repérer un bel ouvrage, une pépite ? Voici quelques trucs et astuces de spécialistes, présents hier à la 33e Journée du livre politique à l’Assemblée.
De la parole à l’écrit. Lieu de débats par excellence, l’Assemblée nationale a fait place aux mots sur papier hier, le temps d’un samedi gris, à l’occasion de la 33e Journée du livre politique, en partenariat avec OuestFrance. Au programme : des discussions sur la situation du pays, des prix remis, des auteurs – connus ou beaucoup moins – et des dédicaces à des lecteurs intéressés.
« Moins que les polars »
Mais, au fait, qu’est- ce qu’un bon ouvrage politique ? Comment faire son choix dans le flot incessant de publications – souvent éphémères, parfois traversant l’histoire – inondant les étals et étagères des libraires ? Pas de recette miracle pour porter son regard sur une pépite ou éviter le mauvais écrit qui tombera vite des mains, mais des techniques personnelles partagées par certains spécialistes dans les couloirs du Palais- Bourbon.
« Un bon livre politique, c’est celui qui fait réfléchir ou qui instruit, voire les deux en même temps, c’est encore mieux, indique le politologue Jérôme Jaffré. Les autres n’ont aucun intérêt et il serait bon que les éditeurs fassent un peu le tri… Avant d’acheter un ouvrage, et pour éviter
de passer à côté d’un très bon, je me pose à chaque fois la même question : aura-t- il toujours de la valeur dans cinq ou dix ans ? Et je dois dire que cette méthode ne marche pas trop mal. »
Député Renaissance de Paris, David Amiel, lui, se demande tou
jours si le livre qu’il regarde ferait un bon cadeau à offrir. « Si tel est le cas, je me l’achète sans hésiter. » Parmi ses récents coups de coeur, l’enquête de Marion Van Renterghem Le piège Nord Stream ou encore Nourrir sans dévaster d’Érik Orsenna et Julien Denormandie. L’ancien ministre de l’Agriculture estime d’ailleurs qu’un ouvrage politique réussi « élève, là où le débat sombre souvent dans un simplisme mortifère ».
Le député MoDem des Hauts- deSeine, Jean- Louis Bourlanges, ne tarit pas d’éloges sur Ma Cinquième, de Michèle Cotta, lauréate du prix des députés, hier. Jérôme Jaffré, de son côté, loue les mérites du Goût de la politique du politologue Pascal Perrineau, également récompensé à l’Assemblée. « J’aime aussi beaucoup les récits racontant un événement au jour le jour, poursuit Jérôme Jaffré. Les mémoires de Valéry Giscard d’Estaing sont ainsi passionnants. A contrario, les souvenirs de Jacques Chirac n’ont pas d’intérêt, d’autant plus qu’il ne les a pas écrits lui-même. »
Ce qui intéresse le plus Michèle Cotta dans l’exercice de l’écriture, c’est narrer les itinéraires d’hommes et de femmes politiques, décrypter ce qui se trame en coulisses… Avec succès ? « Mon éditeur ne s’en plaint pas, même si cela pourrait toujours aller mieux. Oui, le livre politique plaît encore, mais nettement moins que les polars », reconnaît la journaliste, un brin philosophe… et lucide sur la situation du marché littéraire.