Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Maddly Bamy : « Jacques dansait tellement il était heureux »

- Propos recueillis par Ph. J.

Maddly Bamy, dernière compagne de Jacques Brel.

Quel sentiment vous habite en voyant ce bateau restauré ? J’encourage depuis le début le rêve des frères Wittevrong­el, qui a débuté voilà près de vingt ans. Ils ont vécu une épopée. Que ce bateau devenu épave revive dans l’état où nous l’avions découvert avec Jacques voilà cinquante et un ans, c’est formidable. C’était davantage qu’un bateau, c’était notre maison.

Mais ce bateau grand, lourd, dur, devait être compliqué à mener ? Oui, mais le rêve de Jacques était de partir avec l’amour de sa vie. Il aurait été deux fois plus lourd, il l’aurait fait quand même. Regardez la hauteur des mâts, les winches… Mais l’enthousias­me était là. Il fallait y aller ! Cela représenta­it du bonheur. Je le revois encore avec son petit air tellement content d’être à bord. Jacques dansait sur le bateau tellement il était heureux.

Vous avez fait la première partie du voyage avec sa fille, France… Jacques m’a demandé si cela ne m’ennuyait pas d’emmener l’une de ses filles. Au contraire ! Et il a ajouté cette fameuse phrase qui m’est restée : « Tu vas lui apprendre à être une

femme ! » Je ne voyais pas comment car cela ne s’apprend pas (elle rit). Nous sommes partis souriants tous les trois, renforcés, dans la Manche, par un marin qui connaissai­t le bateau. C’était très joyeux avec France. Elle a manqué beaucoup ensuite.

Quels sont vos plus beaux souvenirs?

Tout le voyage. Ce furent de grandes vacances. C’était extraordin­aire de partir avec l’homme qu’on aime et qui vous aime. Tout était magnifique. Même dans cette terrible tempête en Atlantique, où nous avons beaucoup cassé, quelque chose de très fort nous liait. Nous nous faisions confiance. Le temps n’est jamais long avec la personne que l’on aime.

Une fois aux Marquises, pourquoi vendez-vous le bateau ? J’ai vu que Jacques n’en pouvait plus et j’étais obsédée par mon rêve. Je lui ai dit : « Tu m’as promis le tour du monde ; je te rends ta parole. » Je le voyais souffrir et perdre ses forces. On s’est dit : « On ne va pas plus loin. » Même pas remonter jusqu’à Tahiti où il était très célèbre, comme partout. Cela n’aurait pas été la vie tranquille que nous désirions et que nous avons eue aux Marquises.

 ?? PHOTO : ARCHIVES VZW SAVE ASKOY II ?? Maddly Bamy fait le point au sextant à bord de l’« Askoy ».|
PHOTO : ARCHIVES VZW SAVE ASKOY II Maddly Bamy fait le point au sextant à bord de l’« Askoy ».|

Newspapers in French

Newspapers from France