Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Les pâtisseries et biscuits bretons réjo
Reconnu au- delà des frontières bretonnes, le far breton est une des spécialités sucrées de la Bretagne, mais il n’a pas toujours été un dessert.
Les pâtisseries et biscuits bretons sont connus pour leur ingrédient star, employé généreusement : le beurre salé. Autrefois, chaque ferme possédait quelques vaches laitières qui permettaient d’obtenir ce produit prestigieux, au statut quasi sacré chez leurs ancêtres celtes. Far, kouign-amann, gâteau breton, palets et galettes sont les plus emblématiques des gourmandises sucrées et beurrées de la Bretagne.
Comment préférez-vous le far : salé ou sucré ?
Né au XVIIIe siècle, le far breton était à l’origine exclusivement salé. Deux siècles plus tôt, l’agronome Olivier de Serres affirmait que « de ce mot far est venue notre farine ». Au XIXe siècle, certains auteurs ont suggéré que le nom de la pâtisserie bretonne pourrait provenir de la céréale que les Romains nommaient far : il s’agissait de l’amidonnier, un type de blé que ces derniers utilisaient pour confectionner leurs bouillies quotidiennes.
Autrefois, les Bretons préparaient une bouillie salée à partir de sarrasin (plus rarement de froment) qu’ils servaient pour accompagner les viandes.
La première mention écrite d’un far salé date de 1732 : il est question d’une « farce cuite en un sac dans la marmite pour manger avec de la viande à la manière de Léon ». À la fin du XVIIIe siècle, un voyageur note qu’à Saint-Pol- de-Léon (Finistère), « dans les jours gras et dans les jours de noces, on sert du far mêlé de raisins » et qu’à Morlaix (Finistère), « les cultivateurs mangent peu de viande : deux fois par semaine, ils servent sur leur table du porc et du far de blé noir ».
Le far sucré apparut plus tard, au début du XIXe siècle. Un texte de 1811 évoque un far de blé noir sucré mangé à Morlaix les jours de fête. Il se dégustait nature mais les riches y ajoutaient du beurre salé. Certains ont prétendu que les pruneaux avaient été introduits pour apporter aux Terreneuvas une source de vitamine C : sans elle, les pêcheurs de morue risquaient de succomber au terrible scorbut.
Dans certaines régions, les pruneaux étaient remplacés par des raisins secs, des morceaux de pommes ou de poires (le farz avalou était préparé à l’intention des voisins que l’on avait sollicités pour aider à cueillir les pommes). Parfois, le « flan breton » était aromatisé avec du rhum.
Faire cuire son far chez le boulanger
Seule la version sucrée sortit des frontières de la Bretagne, à partir du milieu du XIXe siècle. Émile Littré, l’auteur du célèbre dictionnaire, en donne la définition suivante : « Far, nom d’une espèce de flan qui se fait dans le Finistère avec de la farine et des oeufs. » En 1890, le far breton connaît la consécration : il est cité par Pierre Lacam dans son Mémorial de la pâtisserie, un ouvrage qui a longtemps constitué la « bible » des pâtissiers professionnels. Le gâteau y est présenté comme une spécialité de Lorient (Morbihan) composée de farine, de sucre, de beurre et de lait, aromatisé de vanille et garni de « raisins de Malaga épluchés ».
Pendant très longtemps, les Bretons ne confectionnaient du far qu’à l’occasion de fêtes familiales ou religieuses (Mardi gras, samedi saint, Pâques, pardons…). Avec l’amélioration de leur niveau de vie, ils purent utiliser davantage de pruneaux, d’oeufs et, éventuellement, de beurre. Jusque dans les années 1970, il n’était pas rare, faute de four domestique, d’aller faire cuire chez le boulanger le far préparé à la maison (il était apporté dans un grand plat de terre vernissée). À partir des années 1930, la demande de far ne faisant que croître, une petite industrie locale de fabrication de cette pâtisserie emblématique se mit en place.