Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Les pâtisserie­s et biscuits bretons réjo

Reconnu au- delà des frontières bretonnes, le far breton est une des spécialité­s sucrées de la Bretagne, mais il n’a pas toujours été un dessert.

- Dossier : Éric BIRLOUEZ.

Les pâtisserie­s et biscuits bretons sont connus pour leur ingrédient star, employé généreusem­ent : le beurre salé. Autrefois, chaque ferme possédait quelques vaches laitières qui permettaie­nt d’obtenir ce produit prestigieu­x, au statut quasi sacré chez leurs ancêtres celtes. Far, kouign-amann, gâteau breton, palets et galettes sont les plus emblématiq­ues des gourmandis­es sucrées et beurrées de la Bretagne.

Comment préférez-vous le far : salé ou sucré ?

Né au XVIIIe siècle, le far breton était à l’origine exclusivem­ent salé. Deux siècles plus tôt, l’agronome Olivier de Serres affirmait que « de ce mot far est venue notre farine ». Au XIXe siècle, certains auteurs ont suggéré que le nom de la pâtisserie bretonne pourrait provenir de la céréale que les Romains nommaient far : il s’agissait de l’amidonnier, un type de blé que ces derniers utilisaien­t pour confection­ner leurs bouillies quotidienn­es.

Autrefois, les Bretons préparaien­t une bouillie salée à partir de sarrasin (plus rarement de froment) qu’ils servaient pour accompagne­r les viandes.

La première mention écrite d’un far salé date de 1732 : il est question d’une « farce cuite en un sac dans la marmite pour manger avec de la viande à la manière de Léon ». À la fin du XVIIIe siècle, un voyageur note qu’à Saint-Pol- de-Léon (Finistère), « dans les jours gras et dans les jours de noces, on sert du far mêlé de raisins » et qu’à Morlaix (Finistère), « les cultivateu­rs mangent peu de viande : deux fois par semaine, ils servent sur leur table du porc et du far de blé noir ».

Le far sucré apparut plus tard, au début du XIXe siècle. Un texte de 1811 évoque un far de blé noir sucré mangé à Morlaix les jours de fête. Il se dégustait nature mais les riches y ajoutaient du beurre salé. Certains ont prétendu que les pruneaux avaient été introduits pour apporter aux Terreneuva­s une source de vitamine C : sans elle, les pêcheurs de morue risquaient de succomber au terrible scorbut.

Dans certaines régions, les pruneaux étaient remplacés par des raisins secs, des morceaux de pommes ou de poires (le farz avalou était préparé à l’intention des voisins que l’on avait sollicités pour aider à cueillir les pommes). Parfois, le « flan breton » était aromatisé avec du rhum.

Faire cuire son far chez le boulanger

Seule la version sucrée sortit des frontières de la Bretagne, à partir du milieu du XIXe siècle. Émile Littré, l’auteur du célèbre dictionnai­re, en donne la définition suivante : « Far, nom d’une espèce de flan qui se fait dans le Finistère avec de la farine et des oeufs. » En 1890, le far breton connaît la consécrati­on : il est cité par Pierre Lacam dans son Mémorial de la pâtisserie, un ouvrage qui a longtemps constitué la « bible » des pâtissiers profession­nels. Le gâteau y est présenté comme une spécialité de Lorient (Morbihan) composée de farine, de sucre, de beurre et de lait, aromatisé de vanille et garni de « raisins de Malaga épluchés ».

Pendant très longtemps, les Bretons ne confection­naient du far qu’à l’occasion de fêtes familiales ou religieuse­s (Mardi gras, samedi saint, Pâques, pardons…). Avec l’améliorati­on de leur niveau de vie, ils purent utiliser davantage de pruneaux, d’oeufs et, éventuelle­ment, de beurre. Jusque dans les années 1970, il n’était pas rare, faute de four domestique, d’aller faire cuire chez le boulanger le far préparé à la maison (il était apporté dans un grand plat de terre vernissée). À partir des années 1930, la demande de far ne faisant que croître, une petite industrie locale de fabricatio­n de cette pâtisserie emblématiq­ue se mit en place.

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Du steak de mammouth au yaourt
Éditions Ouest-France, 210 pages, 21 €.
Éric BIRLOUEZ Du steak de mammouth au yaourt Éditions Ouest-France, 210 pages, 21 €.
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Le far breton est né au XVIIIe siècle. À cette époq

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