Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
L’hymne sombre et lumineux de St Vincent à la vie
Pour son septième album, l’Américaine Annie Clarke livre un album brillant et éclectique, qui exalte les merveilles et terreurs d’être vivant.
Qui est vraiment Annie Clarke, alias St Vincent ? Une artiste intelligente et complexe, qui ne se dévoile que par facettes ? Une remarquable musicienne qui a conçu, avec le fabricant Ernie Ball, l’une des rares guitares originales du XXIe siècle ? L’ex de Cara Delevingne et une figure de la mode par ses costumes de scène ? Une jeune quadragénaire sidérée par la pure merveille et la grande terreur d’être en vie ?
Ce dernier point est le thème principal d’All Born Screaming (Nous sommes tous nés en criant), septième, riche et audacieux album, qu’elle a voulu produire seule. Mais avec quelques invités de choix et vrais amis, dont Cate Le Bon sur le morceau titre ou Dave Grohl (Foo Fighters, Nirvana) qui reprend les baguettes sur les deux singles Broken Man et Flea.
Sur la pochette, image extraite de la vidéo du titre Broken Man, Annie est littéralement en feu. Se débat- elle pour échapper aux flammes ou estce elle qui les génère ? Les deux, peut- être.
Perfectionniste
L’introductif Hell is Near la situe à mi- chemin entre Kate Bush et Air, dans un morceau aux aériens détours. La transition est parfaite avec Reckless, mais Annie adopte alors une voix plus sombre et douloureuse, sur un arrangement de pianos funèbres, avant que des sons synthétiques industriels n’invoquent un cataclysme à venir. Broken Man est à la fois très moderne et très eighties, comme du Inxs gothique. Et un Big Time Nothing a des couleurs de funk princier passé par son filtre très personnel. À chaque morceau, les références changent.
Cette perfectionniste a voulu que l’album ne sonne pas trop sophistiqué. En tout cas pas aussi lustré que Masseducation (2017) ou même Daddy’s Home ( 2021). Mais cette passionnée de production musicale sait magistralement jouer des contrastes entre et dans les morceaux eux-mêmes.
Violent Times, qui pourrait être un titre de Burt Bacharach chanté par Dionne Warwick dans les grandes années, montre que cette femme caméléon (au sens positif, à la David Bowie) peut faire sien chaque style. Le morceau marque la transition vers une seconde partie d’album tournée vers la lumière exaltant l’ultime valeur qu’est l’amour des autres : la légèreté synthétique de Sweetest Fruit, avec un refrain pop très marqué, So Many Planets aux accents de ska britannique, ou enfin un All Born Screaming sinueux et plein de surprises, scintillant et joueur. Brillant. Et on se pose encore plus la question : Qui est vraiment Annie Clarke ?
All Born Screaming, Total Pleasure/ Universal, 10 titres, 41 mn.