Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
L’experte du textile tisse le passé et le présent
Marie-Pierre Puybaret est tisserande et enseignante en art textile. ÀLandébia (Côtes-d’Armor), elle partage ses connaissances et poursuit ses travaux de recherche sur un savoir-faire millénaire.
Les métiers en bois sont au repos dans l’atelier de Marie- Pierre Puybaret. Il y a bientôt un demi- siècle, la lycéenne en classe scientifique à Pontoise (Val- d’Oise) découvrait le tissage. Quelques écharpes et une première année d’études en Arts plastiques plus tard, elle opte pour l’apprentissage, qu’elle préfère à la théorie, et part en stage chez des tisserands. Avant d’apprendre les techniques finlandaises à l’université d’Helsinki et se perfectionner à l’Atelier national d’art textile à Paris (Anat).
« À la fin des années 1970, la fabrication textile commençait à se délocaliser en Asie, il devenait difficile de travailler en France. Et puis la directrice de l’Anat, la créatrice de tissus Geneviève Dupeux, m’a ouvert les portes des musées. » Au Musée en herbe, au Palais de Tokyo, partout en France, Marie- Pierre Puybaret va animer des ateliers pédagogiques et donner des conférences sur le tissage. Le tissage, une histoire très ancienne de croisement de fils fixes (la chaîne) et de fils mobiles (la trame).
Marie- Pierre ouvre en parallèle un atelier à Montmartre (Paris), travaille à ses créations personnelles et pour des designers. Et collabore avec des archéologues. En feuilletant un épais classeur de photos de tenues, datant parfois de 5 000 ans avant notre ère, elle explique la transition du cuir et de la fourrure vers les tissus. « Le tissage, à base de fibres végétales et animales, était le premier moyen de se vêtir.
J’essaie de comprendre comment c’était tissé. Comment était exécutée l’armure, c’est- à- dire l’équivalent du point en tricot, et sur quel métier. Encore aujourd’hui, je suis toujours émue devant chaque nouvelle pièce découverte, par ce qu’ils avaient déjà inventé, leur technicité et cette patience incroyable. »
Réapprendre le toucher
Les métiers sur lesquels apprennent les stagiaires sont des métiers à pédales ou des métiers de tables pour l’initiation à la toile, et des métiers à galons. « La première pièce que je fais faire lors d’un stage est en laine, plus souple que le lin ou le coton. » Pour la formatrice, tisser c’est retrouver le toucher. « Autrefois, même à la campagne, quand on allait chez le tailleur, on savait ce qu’était une toile, un sergé, un satin et on connaissait les matières. »
Si les formations de Marie- Pierre affichent complet des mois à l’avance, c’est que les possibilités du tissage sont nombreuses. « On peut faire des tapis, des tentures, des rideaux, des coussins, des vêtements. Travailler pour la haute couture ou à des oeuvres artistiques. » Avant de préciser qu’au rythme exigeant du métier : « Tisser, c’est aussi organiser son esprit, même si on ne devient pas tisserand professionnel. » atelierlestoilesfilantes.com