Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
« Mes difficultés, je les vis comme un challenge »
À quatre mois des Jeux paralympiques à Paris, deux athlètes françaises, Thu Kamkasomphou et Anaëlle Roulet, ont échangé avec des lycéens au siège de Ouest-France.
Thu Kamkasomphou (55 ans), para pongiste, 10 médailles paralympiques (dont 2 en or), atteinte d’une périartérite noueuse.
Anaëlle Roulet (28 ans), para nageuse, paralysée d’une jambe.
Cela va être une grande première pour la France. Dans quatre mois, celle-ci va accueillir les Jeux paralympiques d’été pour la première fois de son histoire (du 28 août au 8 septembre). Un évènement auquel devraient participer Thu Kamkasomphou et Anaëlle Roulet. À l’approche des Jeux, les deux femmes, sponsorisées par L’Oréal, ont accepté l’invitation de Ouest-France d’échanger au siège du journal à Rennes avec une classe de seconde, venue du lycée Les Cordeliers à Dinan (Côtes-d’Armor). Et les élèves avaient plein de questions à leur poser.
Luc : si vous pouviez parler à votre vous du passé, juste avant de commencer le sport, que lui diriezvous ?
Thu Kamkasomphou : Tu as une idée en tête, fonce.
Anaëlle Roulet : Crois en tes rêves et donne-toi les moyens de réussir.
Quitterie : avez-vous le sentiment que l’on attend plus de vous parce que vous êtes des athlètes paralympiques ?
A. R. : Non. On s’entraîne comme les olympiques, on a le même nombre de séances, avec les mêmes exigences. Ce n’est pas parce qu’on est en situation de handicap que l’on attend plus de nous.
Erwann : quel a été le moment le plus mémorable de votre carrière ? A. R. : Mes premiers Jeux paralympiques, à Londres en 2012. J’avais 16 ans. J’arrivais dans ce monde paralympique. C’était grandiose. J’étais toute gamine, un an avant, j’étais encore en Vendée avec mes copains dans ma petite piscine à faire de la natation en loisirs. Alors, se retrouver à Londres, pour les Jeux, la plus belle compétition du monde…
T. K : En tennis de table, olympique comme paralympique, la Chine domine le sport. Alors gagner l’or aux Jeux à Pékin en 2008, ça a été un truc de fou.
Maëlys : quel est votre volume d’heures d’entraînement ?
A. R. : En moyenne, 20 h dans l’eau et 5 heures de musculation par semaine. Et c’est sans compter le kiné, la récupération en bains froids, les soins… Depuis avril 2023, je fais aussi de la préparation mentale. Avant je n’en avais pas envie, mais là j’en ai ressenti le besoin.
T. K : Mon handicap de jambe ne me permet pas de m’entraîner autant d’heures que je le souhaite. Quand
j’étais valide, jusqu’à 18 ans, je m’entraînais deux fois par jour. Maintenant, je peux faire 1 h 15 par jour pendant deux jours, puis je me consacre aux soins et à la récupération, primordiale par rapport à ma pathologie. J’ai également de la préparation mentale et physique.
Clémence : si vous pouviez créer un jeu paralympique, en quoi consisterait-il ?
T. K : Si on pouvait créer un jeu, on mélangerait tous les handicaps. Il faudrait trouver une idée accessible à tout le monde. L’objectif est de rassembler tout ce monde parce qu’on a tous le droit de connaître le bonheur.
Quitterie : en quoi l’image de résilience correspond-elle à votre expérience ?
T. K : La résilience, c’est avancer malgré nos difficultés. Mes difficultés, je
les vis comme un challenge. Je cherche comment faire différemment pour les contourner, les dépasser et continuer d’avancer. Notre vie est en permanence des haies, soit tu les sautes, soit tu restes devant et tu fais du surplace. J’essaie donc de trouver des solutions pour les passer. Si je ne peux plus les sauter, je les fais tomber pour passer au-dessus. À mes yeux, le mot « résilience » ne devrait pas exister. Encore une fois, c’est un choix. Avec ma maladie, je pouvais attendre la mort, eh bien non, j’avais envie de faire comme monsieur et madame Tout-lemonde et je le fais.
Tess : qu’est-ce qui vous motive pour continuer de progresser et vous surpasser ?
A. R. : Ma motivation pour me dépasser à l’entraînement, c’est la compétition et le jour J. Celui que j’ai ciblé. Celui lors duquel je veux être forte. Chaque année, je veux être plus forte que la précédente pour gagner. Ce qui me pousse aussi, c’est de représenter mon pays, d’en porter les couleurs. Je trouve ça tellement beau que je veux le refaire.
T. K : À cette question que l’on me pose souvent, je réponds : quand tu aimes bien un plat, tu veux en manger à nouveau ? Je suis une compétitrice, donc mon seul objectif, c’est la médaille d’or, cette médaille qui brille comme le soleil. Aux Jeux de Tokyo, j’ai eu la médaille de bronze, donc le prochain objectif c’est la médaille d’or. Et si je la gagne, je voudrais gagner la suivante… Et je viens du Laos, alors faire retentir La Marseillaise c’est aussi remercier la France qui m’a accueillie, pour tout ce qu’elle m’a donné.
Eloane : Anaëlle, avec qui et contre qui aimeriez-vous concourir en natation ?
A. R. : J’aurais bien aimé partager un moment avec Laure Manaudou. Elle est beaucoup plus forte que moi, mais ça aurait été un honneur de nager avec elle. Nager contre Manaudou ? Elle est au- dessus et je n’ai pas envie de perdre (rires). Il aurait fallu me laisser un peu d’avance…
« Nager contre Laure Manaudou ? Il faudrait me laisser de l’avance… »
Maëlys : avant vous concouriez en tant qu’athlète valide, maintenant en tant qu’athlète handisport. Estce que ça vous arrive de recroiser d’anciennes adversaires en compétition ?
A. R. : Oui, ça m’arrive. Je fais des compétitions handisport et valides. Pourquoi ? Car il n’y a pas assez de compétitions handisport et, en plus, le niveau n’est pas très élevé. Je vais chercher de la concurrence dans les compétitions valides. Cette année, il y a trois compétitions handisport, tandis qu’il y en a entre cinq et dix en valide. J’ai une double licence.