Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

L’Allemand Jörg Bong, étoile du polar en Bretagne

Littératur­e. Plus connu sous le pseudo de Jean-Luc Bannalec, l’auteur allemand, qui vit une partie de l’année à Névez, près de Concarneau (Finistère), trempe sa plume dans le cidre breton.

- Jean-Marc PINSON.

Ce n’est pas un drôle d’endroit pour une rencontre. Au contraire. En sortant de table, Jörg Bong, 58 ans, la mine ronde, le cheveu rebelle, balaie d’un geste de la main quelques miettes de pain de sa veste en sortant d’un restaurant au coeur de Quimper (Finistère).

Le héros de ses romans, le commissair­e Dupin, en plus d’être un fin limier, est une fine bouche. On le croise souvent à la table d’un restaurant, l’Amiral par exemple, à Concarneau, en train de manger des langoustin­es mayonnaise, avec un verre de sancerre. « J’adore la cuisine bretonne, dit Jörg Bong, en français. J’ai un faible pour les ormeaux. Par contre, j’ai une vraie allergie au vin blanc. Du coup, je bois du vin rouge. »

Jörg Bong, plus connu sous le pseudonyme de Jean-Luc Bannalec, a vendu en tout 6,5 millions de livres des aventures du commissair­e Dupin. En Allemagne, elles s’écoulent à 400 000 exemplaire­s et il est traduit dans quinze pays.

Les best- sellers de Bannalec ont aussi été transposés sur le petit écran en Allemagne, sur la chaîne ARD, avec 3,5 millions de spectateur­s à chaque épisode. La série est diffusée dans soixante pays. L’engouement est tel que les tour- opérateurs organisent pour les Allemands des circuits dans la ville de Concarneau sur les pas du commissair­e Dupin.

« L’important, ce n’est pas l’intrigue »

Jörg Bong a pris un pseudo par discrétion par rapport à son métier, lui qui a longtemps été directeur d’une grande maison d’édition en Allemagne. Bannalec, ça claque, ça sonne breton. C’est le nom d’une commune entre Quimperlé et Concarneau. « C’est mon fils, à l’âge de 5 ans, qui avait pour habitude de lire tout haut ce qu’il voyait. En voiture, il a vu le panneau Bannalec et il n’a eu de cesse de le répéter… »

Dans son dernier polar paru en France, Les fantômes du Finistère (Presses de la Cité), le commissair­e

Dupin a trouvé gîte et couvert à l’hôtel de la Baie des Anges. Que vient faire le policier basé à Concarneau, dans la commune de Landéda, au coeur du pays des Abers, du côté de Brest ? C’est là que la tante du lieutenant Labat, du commissari­at de Concarneau, meurt dans son sommeil. Arrivé sur place, le lieutenant est agressé. La défunte laisse derrière elle un bel héritage. Les membres de la famille sont tous suspects. Point commun : l’ornitholog­ie…

Comme d’habitude, l’auteur décrit les paysages, les lieux, avec exactitude. « Je lis beaucoup sur les endroits que j’évoque, dit l’auteur. Ensuite, je

fais des séjours sur place. C’est très important, il faut que je voie, que j’écoute, entende, goûte et ressente. Pour mieux retranscri­re ces impression­s. Je prends des notes sur les mêmes carnets que Dupin ! »

L’auteur est comme un peintre sur le motif. « Il n’y a pas un rocher, une baie que j’ai inventé. Pour moi, le plus important n’est pas l’intrigue, mais les lieux, la nature, les endroits. »

En tant qu’auteur de policiers, il se définit lui-même comme « classique ». À l’image de Dupin, clin d’oeil à Simenon : « Agatha Christie, Patricia Highsmith, Arthur Conan

Doyle, oui j’aime beaucoup. Maigret, Poirot et Columbo, un peu moins. S’il y a une chose que je déteste, c’est de savoir d’emblée qui est l’auteur d’un meurtre. Moimême, j’attends les cinquantes dernières pages pour en décider. »

Jörg Bong partage son temps entre Francfort et la petite commune de Névez, près de Concarneau, où il a construit une maison en bois. Un petit coin de paradis pour Jörg. « Je suis à côté de la plage de Tahiti, c’est son nom, vous imaginez ? »

Il ajoute : « Je suis tombé amoureux de la Bretagne. Il y a une lumière si particuliè­re ici. Je la connaissai­s par les livres. Je devais avoir 16 ou 17 ans, j’étais fan de Flaubert, notamment de son livre Par les champs et par les grèves. Il était venu à Concarneau pour se ressourcer. Je suis aussi très sensible à la peinture, j’aime particuliè­rement Gauguin, Maufra, toute cette époque à Pont-Aven… » C’est d’ailleurs à Pont-Aven qu’est née la première enquête de Dupin.

Succès planétaire

Ce succès n’a pas tourné la tête de Jörg Bong. Il continue à flâner dans le pays de Concarneau. « Cet engouement est pour moi un peu irréel. Des Italiens, des Espagnols viennent jusqu’ici. Dernièreme­nt, il y a même eu un groupe de quarante Américains, venus de Floride. Quant à la série, je n’ai jamais vu un épisode et je ne veux pas la voir. Je souhaite garder mes personnage­s tels que je les ai imaginés. »

Jörg a été fait citoyen d’honneur de la ville de Concarneau. Les retombées économique­s sont loin d’être négligeabl­es. Par contre, l’histoire ne dit pas si les touristes poussent la porte du commissari­at de la ville, non pas pour porter plainte mais pour voir le bureau du commissair­e Dupin.

Les fantômes du Finistère, Presses de la Cité, 327 pages, 22 €.

 ?? | PHOTO : DAVID ADÉMAS, OUEST-FRANCE ?? L’écrivain Jörg Bong, plus connu sous le pseudo de Jean-Luc Bannalec, vient de publier « Les fantômes du Finistère ».
| PHOTO : DAVID ADÉMAS, OUEST-FRANCE L’écrivain Jörg Bong, plus connu sous le pseudo de Jean-Luc Bannalec, vient de publier « Les fantômes du Finistère ».

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