Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
La nuit du 12, une enquête criminelle obsédante
Cinéma. Couronné de sept César en 2023, dont celui du meilleur film, le long-métrage de Dominik Moll est inspiré du livre de Pauline Guéna, 18.3, une année à la PJ de Versailles.
Pauline Guéna, scénariste et autrice de 18.3, une année à la PJ de Versailles.
La nuit du 12 est tiré de votre récit. Comment s’est monté le projet ?
Le réalisateur Dominik Moll a lu 18.3 pendant le confinement. Le livre raconte plusieurs affaires traitées par la police judiciaire de Versailles en 2015-2016. Il a presque tout de suite choisi l’histoire de cette jeune fille brûlée vive, que j’ai appelée Clara, dont on n’a jamais trouvé l’assassin. Et l’a transposée dans les Alpes. Clara est une jolie fille joyeuse, sans histoires, sans ennemi, qui profite de la vie, et dont les petits amis concentrent l’attention des enquêteurs.
L’histoire de Clara interroge sur la violence masculine à l’égard des femmes ?
Le thème des violences faites aux femmes est venu plus tard dans le projet. Ce n’est pas central dans le livre. Mais c’est l’intérêt d’une adaptation ! En réalité, la Brigade criminelle est surtout confrontée à des morts par règlement de comptes, de jeunes hommes liés au milieu du banditisme, du narcotrafic. Les femmes sont plus souvent victimes de violences
intrafamiliales, conjugales. Il n’y a pas besoin que l’enquête remonte à la PJ pour confondre le coupable.
Les enquêteurs sont-ils tous hantés par un crime, comme le capitaine Yohan Vivès, incarné par Bastien Bouillon, parfait dans ce rôle ?
Le cas d’une femme brûlée vive est forcément bouleversant, c’est ce qui explique qu’il y ait eu un rebond dans l’enquête trois ans après sa mort. Je ne sais pas ce qui a particulièrement marqué le capitaine dans cette affaire. C’est propre à chacun. Parfois, c’est le premier mort. Ou on peut être frappé par un détail. J’ai gardé en tête l’image des ongles qui venaient d’être faits, de couleur estivale, dans l’affaire d’une victime étranglée.
Comment avez-vous été amenée à cette année d’immersion à la PJ ? Georges Simenon « traînait » au quai des Orfèvres. De même, le journaliste David Simon a passé un an à la brigade criminelle de Baltimore pour écrire le livre Homicide : A Year on the Killing
Streets, à l’origine de la série The Wire (Sur écoute). Il n’a pas été simple d’avoir une autorisation. La Direction régionale de la police judiciaire de Versailles est une grosse machine, avec 120 enquêteurs répartis dans différentes brigades, comme la Criminelle et la répression du banditisme.
Votre nouveau roman, Reine, est lui aussi tiré de cette expérience… Cette immersion presque à temps plein a changé ma perception du monde. J’ai vu plus de choses en un an que dans une vie entière ! Ce livre est né de la dernière scène de crime que j’ai vue, et dont je n’ai pas suivi l’enquête. C’était cinégénique et intrigant, avec cette femme, témoin, qui restait muette.
Vous écrivez des scénarios (En Thérapie, Disparu à jamais). Pourquoi pas celui de Reine ?
Je trouve difficile de trifouiller son propre texte, de sacrifier des parties. Le scénario de La nuit du 12 a été écrit par Dominik Moll et Gilles Marchand. J’étais consultante. Mais j’aimerais que Reine soit adapté !
France 2, 21 h 10.