Dimanche Ouest France (Finistere)

Trente années pour faire émerger la vérité

- Patrice MOYON.

La France « aurait pu arrêter le génocide » mais n’en a « pas eu la volonté ». Dans un message vidéo qui doit être diffusé aujourd’hui, le président français Emmanuel Macron apportera sa pierre à la commémorat­ion du génocide commis au Rwanda en 1994 et à la normalisat­ion des relations entre les deux pays. Invité par son homologue Paul Kagame, le chef de l’État a préféré, cette fois, déléguer Stéphane Séjourné, ministre des Affaires étrangères, et Hervé Berville, secrétaire d’État à la Mer, né au Rwanda en 1990.

En 1994, la France était présidée par François Mitterrand, en fin de vie. Jusqu’à son décès en janvier 1996, il ne reconnaîtr­a pas vraiment de tort à sa politique rwandaise, se retranchan­t derrière la complexité de la situation et la nécessité de composer avec un gouverneme­nt de cohabitati­on dirigé par Édouard Balladur.

Ce n’est qu’après, par petites touches, néanmoins, que la France choisira d’avancer. D’abord en 1998, avec une mission d’informatio­n parlementa­ire dirigée par Paul Quilès, qui reconnaît « des dysfonctio­nnements institutio­nnels et des erreurs d’appréciati­on ».

Il faut attendre Nicolas Sarkozy devenu Président, pour véritablem­ent amorcer le dégel entre les deux pays. Il se rend au mémorial de Kigali en février 2010. « Ce qu’il s’est passé ici oblige la communauté internatio­nale, dont la France, à réfléchir à ses erreurs qui l’ont empêchée de prévenir et d’arrêter ce crime épouvantab­le », rappelle-t-il alors.

Son successeur François Hollande poursuit ce travail de rapprochem­ent en ouvrant une partie des archives. Elles seront complèteme­nt accessible­s à la commission présidée par l’historien Vincent Duclert (lire cidessous) lors du premier mandat d’Emmanuel Macron. En 2021, il se rend à son tour au mémorial de Kigali.

Édouard Balladur continue de son côté à rappeler les conditions de l’époque avec « une opinion très divisée, à droite comme à gauche »,

puis les conditions imposées par l’Onu lors de l’opération Turquoise, destinée à servir de force d’interposit­ion. « Mais dans ce cadre, on a continué à livrer des armes aux Hutu, escorté et protégé en juillet 1994 un gouverneme­nt génocidair­e, au lieu de les arrêter », rappelle à OuestFranc­e Guillaume Ancel, qui était présent comme officier au Rwanda en juillet 1994.

« L’armée française n’était pas là pour faire la police. Le mandat de l’Onu ne l’y autorisait pas », a répondu dans un entretien à Paris Match,

l’ancien Premier ministre en 2021. Son ancien ministre des Affaires étrangères Alain Juppé a de son côté fait son mea culpa la même année dans Le Monde : « Nous n’avons pas compris qu’un génocide ne pouvait supporter de demi-mesures. »

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| PHOTO : ARCHIVES LUDOVIC MARIN, AFP Emmanuel Macron, ici le 27 mai 2021, après une conférence de presse à Kigali, avec le président rwandais Paul Kagame.

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