Dimanche Ouest France (Finistere)
Faire l’expérience de l’Europe
Dans moins d’un mois, 358 millions d’Européens seront appelés aux urnes pour élire 720 eurodéputés. En France, l’élection aura lieu dimanche 9 juin. Pour beaucoup de jeunes électeurs, ce sera une première. Pour autant, ce rendez-vous ne suscite pas beaucoup d’enthousiasme, à première vue, chez les 18-24 ans.
Avant de crier au désamour des jeunes pour la chose publique ou de dénoncer leur féroce individualisme, peut-être faut-il examiner le patient pour éviter l’erreur de diagnostic. De quoi ce faible enthousiasme électoral est-il le symptôme, alors même que se traitent à l’échelle européenne des sujets qui mobilisent la jeunesse, de la lutte contre le réchauffement climatique à la crise migratoire ?
D’abord, d’une crise de la représentativité politique plus que d’un refus d’Europe. Selon une enquête de BVA
Xsight (1), la moitié des jeunes de 18-24 ans déclare ne se sentir proche d’aucun parti. Ensuite, d’une méconnaissance paralysante : 22 % disent ne pas connaître suffisamment les institutions européennes. À l’inverse, ceux qui sont allés voter en 2019 l’ont fait « parce qu’ils se sentaient européens ».
Justement, et c’est le troisième point, ce sentiment d’appartenance est mis à rude épreuve par « le retour partout dans le monde d’une obsession nationaliste prônant une identité exclusive et non discutable », comme l’écrit Christian Lequesne, professeur de science politique à Sciences Po Paris (2).
C’est l’inverse de ce qu’est l’identité européenne : elle se construit forcément en plusieurs épaisseurs : je suis Breton (ou Normand, ou Limousin…) , Français et Européen. Cela se superpose, ça ne s’annule pas. Un millefeuille qui dit les nuances plus que les clivages et qui se construit par la rencontre.
Jumelages, rencontres sportives, échanges linguistiques et culturels ou même, comme hier, concours de l’Eurovision, c’est comme ça aussi que l’Europe a bâti ses fondations, a tissé concrètement des liens entre humains autour des valeurs communes. C’est en rencontrant d’autres Européens que l’on voit ce qui nous différencie et nous rassemble. Et que l’on peut rêver plus grand.
Là est le remède. En cela, le programme Erasmus est beaucoup plus important que la possibilité qu’il offre d’étudier un an à l’étranger. Les 3 000 étudiants de 1987 sont 300 000 par an aujourd’hui. Cela semble beaucoup, mais les 18-24 ans, rien qu’en France sont 5,6 millions…
Pour la génération Erasmus, la découverte des cultures a accru la connaissance de l’Europe. À partir justement de cette identité plurielle si bien décrite dans le film L’auberge espagnole. L’Espagne est d’ailleurs le pays d’Europe dont les 18-24 ans se sentent les plus proches, selon notre sondage (3). Il est d’autant plus triste de savoir les jeunes Britanniques privés d’Erasmus depuis le Brexit (4).
La devise de l’Europe, « Unie dans la diversité », est née d’un concours entre élèves européens, en avril 2000, à l’initiative d’Ouest-France et du Mémorial de Caen. Chaque jeune citoyen européen devrait pouvoir en faire l’expérience.
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