Dimanche Ouest France (Finistere)

Trésor du breton écrit

1906 : le coup de foudre de la soeur de Van Gogh pour le Barzaz Breiz qu’elle traduit en néerlandai­s.

- Bernez ROUZ.

« Frappé intérieure­ment par la simplicité et la rare beauté de ces chants populaires, je pourrai peut-être conserver un peu du charme originel dans une traduction en néerlandai­s. » C’est par ces mots qu’Elisabeth Duquesne-van Gogh, soeur aînée du peintre, présente notre Barzaz Breiz (Chants de Bretagne) qu’elle traduit dans sa langu,e en 1906.

C’est son frère, Théodore, qui lui a envoyé de Paris ce livre « rare » publié par Hersart de La Villemarqu­é en 1839 et constammen­t réimprimé depuis. La traduction néerlandai­se est rééditée en 1912, avec une longue préface : Stivell glan ur vuhez speredel dinamm eo ar c’hanaouenno­ù hengounel. Kanet e oant gant ar bobl a gave enno he speredelez­h, hec’h istor he zonkadur, he fersonelez­h (La vieille chanson folkloriqu­e découle de la source pure d’une vie mentale non corrompue. Le peuple la chantait, le peuple l’acceptait ; dans ces chants, se trouvent son Dieu, son destin, son histoire, son Tout !)

Elisabeth van Gogh va plus loin que George Sand qui louait en son temps « les diamants du Barzaz Breiz »: Liv an denelezh don a zo enno, mouezh an natur en e veurded, mouezh an hollved ! (La source d’où ils découlent est l’humanité elle-même, et qu’ils soient la voix de la Nature dans sa pure grandeur, une voix de l’Univers !)

Et de citer quelques strophes qui l’ont bouleversé­e comme les accents de La Peste d’Elliant : Lec’h oa nav mab en un tiad, Aet d’an douar en ur c’harrad Hag o mamm baour ouzh o charreat. O zad a-dreñv o c’hwibanat kollet gantañ e skiant vat” (Il y avait neuf enfants dans une même maison, un même tombereau les porta en terre, et leur pauvre mère les trainait. Le père suivait en sifflant… Il avait perdu la raison).

Elle-même poète, Elisabeth van Gogh rend hommage à la mère de l’auteur du Barzaz Breiz qui fit les premiers collectage­s de chants auprès des pauvres qu’elle secourait. Elle cite Klemvan Itron Nizon (La complainte de la dame de Nizon) : Tremen he deus graet gant dousder… Tavit peorien gaezh, Na ouelit ket ma he c’harit (Elle est passée doucement… Cessez de gémir chers pauvres, ne pleurez pas si vous l’aimez).

Ce témoignage sensible sur le livre phare de l’identité bretonne nous fait regretter que son frère Vincent ne soit pas venu en Bretagne comme il l’avait envisagé. Les paysages et les gens de Pont-Aven, vus par Van Gogh, auraient éclairé magistrale­ment notre civilisati­on rurale alors à son apogée.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France