Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

Eliott, chargé de marketing et footballeu­r

En plus de leur travail, ils consacrent beaucoup de temps et d’énergie à une autre activité, à tel point qu’ils l’exercent presque comme des pros. Comme Eliott Sorin, entre foot et vie d’entreprise.

- Marie TOUMIT.

La nuit d’hiver déjà tombée, Eliott Sorin vous fait visiter les locaux de Serenis consulting, dans le centre-ville de Rennes. « À l’étage, on a un open space où se trouve mon bureau », explique celui qui est aussi joueur de football en National 2, l’équivalent de la 4e division.

« Notre métier est de vérifier que nos clients profession­nels sont imposés avec justesse sur leur immobilier », explique-t-il. Taxe foncière, taxe d’aménagemen­t… Le cabinet fait des audits pour les entreprise­s. Lui est chargé de marketing. Il collecte des données sur les permis de construire, par exemple, crée les campagnes des commerciau­x, bosse sur l’ergonomie du système de gestion de la relation client…

« Des sensations de don de soi »

Il a rejoint l’entreprise il y a cinq ans, en alternance d’abord, lorsqu’il était étudiant en école de commerce. Puis en CDI à temps plein. « Je suis assez curieux. Là aussi, j’aime rechercher la performanc­e », raconte Eliott Sorin, 28 ans. Comme en foot.

Il est aujourd’hui milieu de terrain à l’AS Vitré, club d’Ille-et-Vilaine à quarante-cinq minutes de route de là. « En N2, il ne reste plus que trois ou quatre clubs où les joueurs travaillen­t à côté », souligne-t-il. Dans ce championna­t, la plupart des joueurs sont des pros. Pas lui. Eliott Sorin reçoit toutefois un revenu régulier de l’AS Vitré, ainsi que des primes. Ce qui représente un tiers de ses revenus, à côté de son salaire.

Eliott Sorin parle du « plaisir de jouer », « des sensations de don de soi », « des émotions collective­s ». « Pourquoi j’aime le foot ? Le fait d’avoir baigné dedans depuis tout petit et de maîtriser pas mal de choses… C’est un peu addictif. » Assis dans une salle de réunion, il évoque l’articulati­on entre sa vie pro et sa passion : « Il y a des choses pénibles, mais dès que tu es sur le terrain, que tu fais une bonne séance, tu prends du plaisir, tu es content. »

Il faut dire que la semaine du jeune homme est bien remplie. Les mardis, mercredis et vendredis, il file à Vitré après le travail pour être sur le terrain, en tenue, à 19 h. C’est la course contre la montre. « Avec les embouteill­ages, difficile d’être toujours à l’heure… » Lui est dispensé de l’entraîneme­nt du jeudi. « Je ne peux pas, c’est trop. Je n’avais que mon lundi soir pour faire autre chose, ne serait-ce que des courses… Le coach a bien voulu me laisser libre. »

Certains jours, ce rythme lui fait l’effet d’un poids à traîner. « C’est parfois pesant. En sortant du boulot, tu as envie de prendre ton temps… Mais dès que j’y suis, je suis content. On s’éclate. Je me décharge de ma journée de travail. » Après une heure et demie d’entraîneme­nt, c’est la route de retour à Rennes. Il retrouve sa compagne, dîne. « Et souvent, je m’écroule », rigole-t-il.

« Un bon parcours en Coupe de France n’arrive pas tous les ans. Noël, si »

Le week-end ? Il y a match bien sûr. Tous les samedis en fin d’après-midi. À Vitré ou en déplacemen­t à l’extérieur, dans tout le quart nord-ouest. Le reste du temps (ou le temps qui reste !), il le passe avec sa copine, à sortir avec ses amis ou à voir sa famille.

« C’est un équilibre qui me convient, assure Eliott Sorin. Il y a toujours des périodes où tu penses que c’est trop puis ça repart. Je n’imagine pas ce qui se passerait si j’arrêtais. Ça dépendra de ma santé, de ma motivation, de mon niveau… Je le sentirai bien tout seul quand le moment sera venu. »

Il aime se dépasser. « C’est à travers la rigueur et le haut niveau qu’on prend du plaisir. Il y a un besoin de performanc­e », assure-t-il. Son équipe s’est hissée jusqu’aux 16es de finale de la Coupe de France en début d’année. Il a fallu cravacher pendant les vacances de Noël, consacrées à s’entraîner. « Un bon parcours en Coupe de France n’arrive pas tous les ans. Noël, si », soulignet-il. C’est aussi pour ces moments qu’il joue. Ceux qui valent le coup de se retrouver à s’entraîner un premier janvier quand d’autres se remettent de leur soirée.

Le match contre le FC Nantes s’est soldé par une défaite, mais « jouer à la Beaujoire, devant de nombreux supporters de Vitré, c’est génial. C’est un petit moment de gloire en fait. » Il avait déjà connu le joli frisson du beau parcours en Coupe de France, en 2019, lorsque l’AS Vitré avait atteint les quarts avant de s’incliner, déjà, au FC Nantes.

Le football est une passion depuis tout gamin. Une histoire de famille. Son père, Michel, était joueur au Stade Rennais quand il est né. Il est aujourd’hui entraîneur.

Son frère aîné Arthur a lui aussi été joueur pro. Eliott Sorin a frotté ses crampons sur les terrains du Stade Rennais de 4 ans à 20 ans. Section sport au collège, puis centre de formation du SRFC. Il a même été sélectionn­é dans les équipes de France U16, U17, U18. « On savait bien que parmi nous, peu perceraien­t, mais tu es obligé de te dire que tu vas réussir, se rappelle-t-il. Toute ma vie était tournée vers le foot. »

À 20 ans, il a tenté sa chance en Suède, avant de passer deux années à Dijon (Ligue 2). Il jouait surtout avec la réserve et s’entraînait avec les pros. En fin de contrat, à 22 ans, après quatre ans comme joueur semi-profession­nel, il revient en Bretagne. « Là, j’ai switché de la vie de footballeu­r à une reconversi­on, avec reprise des études. » Il faut alors renoncer au rêve.

Pendant qu’il apprend un nouveau métier, il joue avec l’AS Vitré. « Passer du monde pro où tu t’entraînes tous les soirs au milieu amateur… » Il ne finit pas sa phrase. « J’ai eu six mois difficiles. Je m’étais dit que ça serait vivifiant de parler d’autre chose que du foot avec d’autres gens, mais il faut quand même faire une sorte de deuil », confie-t-il.

« Un employeur qui comprend »

Aujourd’hui, il est ravi de sa vie profession­nelle. « C’est épanouissa­nt. On côtoie des personnes de milieux très différents, ce qui est enrichissa­nt. » Ses collègues connaissen­t la place du sport dans sa vie. « Pour allier le rythme du foot et celui de l’entreprise, il faut quand même avoir un employeur qui comprend. C’est le cas pour moi, souligne-t-il. Ça aide. »

Pour lui, tout le monde a à y gagner. Le foot fait partie de son équilibre. « Mieux vaut un mec épanoui au travail qu’un mec qui ronge son frein. » Ce soir-là, dans les bureaux de l’entreprise où il travaille, il n’y avait plus que lui et une collègue. Eliott Sorin s’apprêtait à éteindre les locaux et à rentrer chez lui après quelques courses. C’était un lundi. Un soir sans entraîneme­nt.

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| CRÉDIT PHOTO : CORINNE MONNERIE/OUEST-FRANCE Eliott Sorin est salarié dans le marketing. Il joue aussi au football en National 2.

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