Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

Gérant d’entreprise, Benoit est devenu magicien

Benoit Auzou Loizeau gérait une entreprise dans le marketing ; il était aussi magicien les soirs et les week-ends. Il a finalement décidé d’exercer sa passion à temps plein et d’en vivre.

- M. T.

Il s’est mis à la magie par curiosité, comme il s’était essayé à la danse ou comme lorsqu’il a été fou de poker pendant six mois. « J’aime bien essayer des trucs. C’était un microhobby, au départ », raconte Benoit Auzou Loizeau, 44 ans, magicien et mentaliste.

À cette époque-là, il y a un peu plus de dix ans, il est directeur d’une petite boîte de production qui fait des vidéos d’entreprise en région parisienne. Il gère les relations avec les clients, l’administra­tif et travaille avec des cadreurs et des réalisateu­rs pour chaque projet. « Un boulot très prenant. »

Sur son temps libre, il se met à écumer Internet pour trouver des tutoriels de magie pour les débutants. Des tours avec des cartes surtout. « C’est très chronophag­e, surtout au début. Il faut refaire les choses 50 000 fois pour les maîtriser. Les copains sont les premiers cobayes. Vous les sollicitez pour des trucs pas géniaux au départ », rigole-t-il aujourd’hui. Il parle aussi de « l’excitation » de la découverte, de « la culture du secret » qu’il faut percer, de sa très grande satisfacti­on quand le résultat est atteint après des semaines d’exercices.

Il retourne sept fois voir le même spectacle

Benoît Auzou Loizeau commence ensuite à aller à des spectacles de magie, le soir, après le travail. «Je suis devenu obsessionn­el. » Il retourne voir six ou sept fois celui de Giorgio, entre magie, mentalisme et hypnose. « Son spectacle m’a beaucoup énervé, dit-il en souriant. Ça me paraissait un autre monde. » Le mentalisme, « c’est donner l’impression qu’on rentre dans la tête des gens, orienter leurs choix ». Le voilà fasciné.

Benoit, spectateur assidu, sympathise avec celui qui est sur scène. Si bien que Giorgio lui prête des bouquins, des DVD et du matériel. « Il m’a motivé à passer au niveau supérieur, à ne pas lâcher et à m’améliorer. J’ai fait un bond technique. »

Giorgio est alors en train de préparer un deuxième spectacle. Il propose à Benoit d’être son assistant. « Pendant un an et demi, on a fait trois théâtres, avec une à trois représenta­tions par semaine pour lesquelles j’étais un peu payé. » Une activité de l’ombre qui s’ajoute à son métier à temps plein. « Je faisais ça en parallèle. » Une période « intense », se souvient-il.

Le jour, il jongle avec les clients, la pression de leurs demandes, les montages de vidéos à refaire du jour au lendemain. À 19 h, il arrive au théâtre pour entrer dans l’univers de la magie qu’il quitte vers 23 h, quand un verre ou un dîner ne prolongent pas la soirée. Le lendemain, il est à son bureau à 9 h.

Le rythme est soutenu. « Il y avait aussi les entraîneme­nts personnels et des mini spectacles que je commençais à faire chez des gens. » Au départ, chez des amis, puis des amis d’amis, puis des parents d’amis… Au début, gratuiteme­nt, puis en demandant une petite participat­ion. « La magie, les bouquins, les objets, c’est très cher, explique Benoit, qui réinvestis­sait ce qu’il gagnait. Ma vie, c’était le boulot dans la boîte de production, qui marchait mais sans décoller vraiment, la magie et les copains. Il n’y avait pas grand-chose d’autre à côté. »

Un jour, il reçoit un coup de fil de Giorgio. Ce dernier veut savoir s’il est disponible le soir même. Il lui demande de le remplacer au pied levé pour un spectacle chez des particulie­rs à Boulogne (Hauts-de-Seine). « J’ai d’abord refusé, puis j’y suis allé, stressé, en traînant les pieds et parce que c’était bien payé, raconte Benoit Auzou Loizeau. Ça s’est super bien passé. Les gens étaient contents. » C’est un tournant. «Je me suis dit qu’il était possible de faire de la magie en étant vraiment rémunéré. »

Comme il continue à travailler, il prend un autre nom pour la scène : c’est Benoît Loizeau. Auzou est son nom à l’état civil. Pas du genre à tergiverse­r, il avance. « Je me suis présenté dans mon entourage comme quelqu’un pouvant faire un spectacle plus construit. Les gens me voyaient un peu différemme­nt. Ils m’ont fait revenir. Pour des anniversai­res, des soirées pour faire plaisir aux amis. Puis dans leurs entreprise­s, pour des séminaires, des événements particulie­rs ou des moments de team building. »

« Ça s’est fait tout seul »

En parallèle, le travail ralentit dans la petite boîte de production, dont il est le seul salarié permanent. « J’avais la liberté en tant que gérant de refuser des projets. Et en un an et demi, il n’y a quasiment plus eu de projets. » Et Benoit Auzou Loizeau a fait de sa passion son métier.

« Ça s’est fait tout seul en fait, dit-il sans fausse modestie. On m’a dit que c’était courageux, mais j’avais moins de travail avec la boîte de prod et j’étais mieux payé à faire de la magie ! »

Benoit Auzou Loizeau travaille depuis quatre ans comme magicien et mentaliste. Un quart de ses interventi­ons ont lieu chez des particulie­rs, le reste dans des entreprise­s. « J’ai la chance d’avoir eu un parcours salarié et comme gérant d’une boîte. Ça plaît à mes interlocut­eurs car on parle le même langage. » Avec le mentalisme, il s’intéresse aux fonctionne­ments du cerveau, aux biais cognitifs… « Il y a des liens avec la prise de décision en entreprise, alors je l’intègre à mon spectacle. »

Satisfait de sa nouvelle vie ? « Très. Le travail avec la boîte de prod, c’était du stress et de la pression. Aujourd’hui, quand je vais bosser je suis content, je fais un truc qui me plaît et m’amuse. »

Avec la crise sanitaire, il a eu quelques périodes creuses. Parfois, le soir, quand il pleut, il lui faut puiser un peu plus loin sa motivation pour sortir travailler. Comme tout le monde, en fait. « Mais sur place, je suis toujours content. » Benoit Auzou Loizeau n’a pas de regret. « Aujourd’hui, j’ai du trac mais pas du stress. Je ne me sentais pas aussi bon, ni aussi légitime dans les boulots que j’ai pu faire avant », décrit-il. Il constate : « Je suis à l’aise sur scène. C’est un peu mystérieux de savoir pourquoi ça marche aussi bien. Les gens vous disent merci à la fin. Il n’a pas beaucoup de boulot comme ça ! »

« Un peu moins la fougue de l’amateur passionné »

Il est aussi réaliste. « Quand une passion devient un métier, on a parfois un peu moins la fougue de l’amateur passionné. C’est aussi une profession très solitaire car on est seul à l’hôtel en déplacemen­t, seul chez soi à travailler, alors qu’avant j’étais en équipe. »

Comme il a créé sa propre entreprise de prestation de magie, il se retrouve à faire de l’administra­tif et de la comptabili­té. « Ce qui ne me passionne pas du tout. Ça gâche même un peu le plaisir alors qu’avant la magie n’était que 100 % de plaisir. C’est un peu frustrant, glisse-t-il. Mais quand je regarde l’image entière, c’est quand même cool. Tout ça n’était pas prévu. Merci les rencontres ! » Et l’enthousias­me et la persévéran­ce.

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| CRÉDIT PHOTO : CORINNE MONNERIE/PEEASH Benoit Loizeau a commencé la magie comme un hobby

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