Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

« Être trompée c’est dur, surtout par ma collègue »

Sindy et Fabrice ont vu leur relation de dix ans voler en éclats au Mexique où ils étaient expatriés, en 2017, après un adultère. Ils reviennent ensemble sur leur histoire, entre rancoeur et jalousie.

- Témoignage Mélissa BOUFIGI.

« Quand tout allait bien, on se disait que si on divorçait un jour, on n’allait pas faire comme les autres : se déchirer, porter des coups bas… Bien sûr, on était au-dessus de ça… »

Ces mots, que l’on se dit « quand les choses ne vont pas si mal », ont semblé bien lointains à Fabrice et Sindy quand ils se sont séparés après dix ans d’amour et deux enfants, en 2017, à Mexico, à des milliers de kilomètres de leur berceau nantais.

Trois ans plus tôt, Fabrice décroche une importante opportunit­é profession­nelle au Mexique, l’occasion d’une parenthèse « familiale » prévue pour quatre ans. « On s’était mis d’accord sur le pays et on s’était mariés juste avant de partir », se souvient l’homme de 40 ans.

Sindy, qui travaille dans le secteur bancaire, prend un congé sabbatique et trouve un poste dans la même entreprise que Fabrice. Ils inscrivent leurs deux fils, âgés de 4 et 7 ans, à l’école française, les cercles amicaux sont recréés, l’expatriati­on est une bouffée d’air… Sauf au sein du couple. « Ça faisait plusieurs années qu’on avait des problèmes, esquisse Fabrice. Au travail, j’ai rencontré quelqu’un qui avait aussi des difficulté­s dans son couple et on a commencé à avoir une aventure… »

Mais sans crier gare, ce qui se voulait une échappatoi­re à des mariages en souffrance devient une histoire d’amour. « On s’est rendu compte qu’on était fait pour vivre ensemble », décrit simplement Fabrice.

Quand Sindy apprend leur liaison, « évidemment, ça ne s’est pas très bien passé… » rapporte Fabrice. Le couple se sépare. « Par la force des choses, c’est lui qui a entrepris la rupture, acquiesce Sindy. Mais je ne comptais pas rester avec lui après ça. Je l’ai très mal vécu. Une séparation avec tromperie, c’est difficile, mais là en plus, je les croisais tous les jours, c’était ma collègue… » se remémore cette mère de 42 ans.

« Mon fils est resté figé, il s’était pris un impact »

Incapable de « faire semblant », le couple décide d’en informer ses deux enfants rapidement. «Çaaété aussi très difficile, raconte Fabrice. Quand on leur a demandé de venir, je pense qu’ils s’attendaien­t plutôt à ce qu’on leur annonce une surprise qu’une séparation… Ça les a marqués, ils en parlent encore. »

« L’aîné a compris très vite. Je n’avais pas fini ma phrase qu’il s’est mis à pleurer beaucoup, beaucoup et il est venu dans mes bras », relate Sindy.

Quant au plus jeune, « il est resté complèteme­nt figé, c’était une statue, se souvient la maman. Il s’était pris un impact ». Face à sa peine, Sindy laisse s’exprimer la sienne. «Je me suis mise à pleurer, je n’ai même pas réussi à dire tout ce que j’avais à dire… »

S’ensuivent six mois « sans trop de tensions » mais avec de « la tristesse» durant lesquels le couple choisit « la communicat­ion » pour tenter de se quitter sans abîmer les enfants. « Sauf qu’il n’y a pas de mode d’emploi… » soupire Sindy.

Au départ, Sindy envisage de rentrer en France avec les enfants, ce qui est inimaginab­le pour Fabrice – dont la mission se termine un an plus tard. Il réussit à la convaincre de rester et, d’un commun accord, ils décident d’attendre leur retour pour divorcer. Pas question d’entamer la procédure au Mexique, « un pays encore très patriarcal où la garde est quasi tout le temps donnée à la mère », explique Fabrice qui veut mettre en place la résidence alternée. Sur le principe, Sindy y est favorable. « C’était évident pour nous deux, on a toujours fonctionné comme ça : le papa et la maman sont aussi importants, on allait se partager les enfants de manière équitable », assure-t-elle. Mais ça, c’est pour le principe.

Un jour, sur leur lieu de travail, les cris de Sindy sortent d’un coup. Sur lui, sur « elle », sur leurs collègues, spectateur­s muets, depuis des mois, du début d’une histoire d’amour, de la fin d’une autre.

La relation entre Fabrice et Sindy vire à l’orage. « Il est venu me parler au bureau, un matin, et je n’avais pas envie de lui parler. Il s’est imposé dans mon bureau avec le sourire et ça a été le détonateur. J’ai pété un câble », se remémore Sindy.

Au départ, l’organisati­on du quotidien se voulait souple. Fabrice a emménagé dans un logement à côté de celui qu’ils partageaie­nt et Sindy dispose de la garde principale des enfants pour le moment. « Elle se sentait tellement détruite qu’elle me disait que si je lui prenais les enfants, elle n’avait plus rien, explique Fabrice. J’avais vraiment peur qu’elle fasse une bêtise… »

Entre eux, les choses se tendent progressiv­ement. « Tant qu’il n’y avait pas de décision de justice, on essayait de se mettre d’accord pour se partager les enfants, poursuit-il. Mais si je devais les prendre tel week-end et qu’elle me croisait avec ma nouvelle compagne, elle changeait d’avis. Ou un jour je les récupérais et l’aîné me disait : “De toute façon maman nous a dit qu’on n’était pas ta priorité”… Les enfants devenaient monnaie de vengeance… »

« C’est venu d’un événement particulie­r, ils me disaient : “Papa est toujours sur son téléphone, il ne joue pas avec nous le week-end” », nuance Sindy qui évoque des « piques un peu faciles qu’on lance quand on veut faire du mal à l’autre » dans des mois « difficiles » à vivre. « Le fait de le croiser lui et sa nouvelle compagne, c’était compliqué, reconnaît-elle. C’était histoire de dire : “J’ai envie de t’embêter parce qu’aujourd’hui je suis mal luné(e), tu m’as fait du mal” et ça, des deux côtés. »

« Face au chantage et aux menaces, j’ai fini par céder »

L’épisode de fureur de Sindy sur leur lieu de travail va être le point de bascule. « Ma priorité c’était de ne pas monter mes enfants contre leur père, assure-t-elle. Je pouvais avoir de la haine par moments mais il ne fallait pas qu’ils en pâtissent. Ce n’était pas comme ça qu’on avait construit notre famille, même si elle était en train d’éclater. » Cette fois, elle est donc décidée à rentrer en

France avec les enfants.

« Je ne voulais pas être séparé de mes garçons. Mais devant le chantage, les menaces, le fait qu’elle décide quand je verrais les enfants, j’ai fini par céder », soupire Fabrice, qui en a alors encore pour six mois de mission au Mexique. En attendant son retour, il viendra toutes les six semaines voir ses fils. Mais malgré les 10 000 km de distance entre eux, sa relation avec Sindy ne s’améliore pas.

« Il pouvait me dire que je n’étais pas une bonne mère et je lui répliquais : “Si c’est comme ça, les enfants, je vais les garder que pour moi !”» amorce Sindy en fouillant dans sa mémoire. Des tensions qu’elle explique par l’éloignemen­t entre Fabrice et ses enfants. « Il souffrait de cette séparation et par messages interposés, avec sept heures de décalage, on s’en est balancé pas mal. Il m’attaquait, je l’attaquais, tout ce qu’on détestait chez l’autre, on se le balançait. La communicat­ion n’était plus là, les qualités de l’autre n’existaient plus. »

« Et pendant ce temps, les enfants souffrent au milieu de tout ça », complète Fabrice.

« On a envie de faire payer l’autre »

Alors, il va profiter d’une visite à ses fils en France pour consulter une avocate. « Même si je demeurais à l’étranger, maintenant que sa résidence principale était en France, on pouvait entamer la procédure », explique-t-il.

En ouvrant le courrier un soir, Sindy tombe des nues en découvrant une lettre de demande de divorce. « Comme on était en froid, c’est un peu vexant de l’apprendre comme ça… », fait-elle remarquer.

« Ça l’a mise en colère mais ça a permis d’ouvrir la discussion », souligne Fabrice de son côté, qui avait à l’époque, une idée précise en tête : « Avec tout ce qu’il s’était passé, j’étais en colère et on ne réfléchit pas forcément de manière objective dans ces moments-là », reconnaît le papa. Persuadé que les derniers mois de relation avec Sindy ont mis à mal leur choix initial de résidence alternée, Fabrice est catégoriqu­e : « Je veux demander la garde exclusive ». Une idée aussitôt balayée par son avocate. « Elle m’a dit : “Vous ne l’aurez pas, il n’y a pas de raison objective”, raconte-t-il. Et en effet, même si j’avais des choses à lui reprocher, les enfants n’étaient pas maltraités et ne manquaient de rien. Donc soit on rentre dans le jeu de se faire la guerre devant le juge et de se détruire, soit on se dit que dans l’intérêt des enfants, on va calmer les choses. Mais ce n’est pas simple, on a envie de faire payer l’autre… »

« Une ligne commune face aux enfants »

Contrairem­ent à ce qu’il croyait, Sindy n’est pas opposée à la résidence alternée. « Je pense qu’elle s’est rendu compte, durant ces mois avec les garçons, que c’était lourd de les gérer seule en plus de son travail », avance Fabrice.

« À partir du moment où il est rentré en France, il s’est apaisé, du coup moi aussi », explique quant à elle Sindy.

Ils conviennen­t donc d’un divorce à l’amiable avec garde alternée après en avoir parlé à leurs deux fils. Le dialogue est renoué.

« Ça s’est passé assez simplement », confirme Fabrice. Ils sont d’accord sur la manière de se répartir leurs biens et sur le rythme de garde des enfants. Fabrice se réinstalle en France en août 2018 « et en mars 2019, on signait », se souvient Sindy.

Comme si l’expression la plus crue de leurs sentiments durant des mois a servi de catharsis, il n’est plus question de se faire du mal, mais de composer un nouveau quotidien à leurs enfants, dans deux maisons différente­s. « On habite à 10 mn en voiture l’un de l’autre, raconte Fabrice. Mais même si les garçons ne le disent pas clairement, je pense que leur résidence principale, c’est l’appartemen­t où ils vivent avec leur maman parce que l’école est à côté, leurs copains aussi et qu’ils sont toujours dans le même depuis leur retour. »

Aujourd’hui entre Fabrice et Sindy, « il n’y a plus de conflit, assure le premier. Si vraiment il y a un point sur lequel on n’est pas d’accord, on essaie de se parler en aparté mais c’est important qu’on ait une ligne commune face aux enfants, on essaie de ne pas décrédibil­iser l’autre parent. »

Chaque semaine, « les valises de vêtements, les cahiers, les affaires de sport » passent d’une maison à l’autre sans encombre. « Et si vraiment on a besoin d’une trottinett­e ou un vélo, je vais la chercher chez sa mère, le grand a les clés, raconte Fabrice. J’envoie juste un message avant par courtoisie… »

Pour Sindy, avoir les enfants une semaine sur deux est un peu perturbant au début. « C’est comme si j’étais à 300 % une semaine et à 50 % la suivante, relate-t-elle. Parfois c’est très déphasant. »

« Je ne regrette pas du tout, dit Fabrice de son côté. Toute une semaine je me consacre à eux et l’autre semaine j’en profite pour m’aérer l’esprit, pour être en forme quand je les ai. »

« Je veux que papa et maman soient ensemble »

Quant aux enfants du couple, qui ont désormais 8 et 11 ans, « ils le vivent bien, juge Sindy. Ils sont équilibrés. » « On leur a posé la question : “Est-ce que tu voudrais être plus chez papa ou chez maman ?” et aucun des deux ne le souhaite pour l’instant », ajoute Fabrice.

« Le petit est toujours dans sa phase : “Je veux que papa et maman soient ensemble”, reconnaît tout de même Sindy. C’est sa phrase, il n’a rien lâché là-dessus. Il ne s’en prend ni à son père, ni à sa mère, mais il le dit tous les jours. C’est sa seule façon de s’exprimer donc on le laisse dire et on lui réexplique comme depuis quatre ans que quand on ne s’aime plus, on ne peut plus rester ensemble… »

De leur séparation houleuse, chacun tient aujourd’hui un discours apaisé, sans nier le passé. « Une séparation, c’est un accident de la vie, on se prend une grosse claque, surtout quand on est quittée… analyse Sindy. Non, on n’a pas des auréoles au-dessus de la tête, on n’est pas des saints mais pour moi, les piques qu’on a pu s’envoyer à l’époque ne reflètent pas notre séparation. »

Sindy, qui a longtemps eu du mal à s’imaginer à nouveau en couple, a récemment entamé une nouvelle relation, la première dont ses enfants ont connaissan­ce, sur la pointe des pieds. « Il y a de la place pour quelqu’un d’autre mais il faut vouloir en faire, réfléchit-elle. On n’est pas tout feu tout flamme comme à 20 ans, on a des obligation­s envers les enfants. »

Fabrice, lui, s’est installé peu de temps après son retour en France avec sa compagne rencontrée au Mexique, et dont les enfants font des allers-retours entre les deux pays, leur père vivant là-bas.

Leur relation est le dernier point sur lequel Sindy dit avoir encore du mal à avancer. « Il vit avec la personne avec qui il m’a trompé, je ne pourrais jamais le pardonner, je ne veux pas la voir, annonce-t-elle, ferme. Il l’a compris, il ne me le reproche pas. Je ne suis pas dans l’amertume mais je pense que ça ne passera jamais. Lui aussi, je lui en veux encore mais comme c’est le père de mes enfants, je le respectera­i toujours… »

Leur bonne relation trouve donc ses limites au moment des fêtes de famille qui se déroulent dans chaque foyer. « Il est évident que nos enfants souffrent de cette séparation mais le fait que nos relations soient bonnes facilite grandement les choses, analyse Fabrice pour sa part. Il n’y a pas de gros conflit entre nous… »

« On est des meilleurs parents séparés, pense Sindy. En couple, le plus communican­t des deux c’était lui. Aujourd’hui on a besoin de communique­r pour nos enfants. On n’a pas trop mal réussi notre séparation au final… »

Éditeur : Société Ouest-France, SA à Directoire et Conseil de Surveillan­ce au capital de 300 000 euros. Inscriptio­n RCS de Rennes n° 377 714 654.

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| CRÉDIT PHOTO : ORANA TRIKOVNA POUR OUEST-FRANCE Contrairem­ent à ce qu’ils avaient imaginé, quand Sindy et Fabrice se sont séparés, ce fut avec perte et fracas.

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