Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

Nous payons des aliments plus cher sans le savoir

C’est ce que révèle l’associatio­n 60 millions de consommate­urs, qui dénonce une stratégie de « l’inflation cachée ». Comment s’y prennent certains industriel­s pour gonfler les prix en douce ?

- Mathilde LE PETITCORPS.

Se nourrir n’a jamais été aussi cher. L’Organisati­on des Nations unies pour l’alimentati­on et l’agricultur­e (FAO) a enregistré des prix records au mois de mars 2022.

Ils ont atteint leurs « plus hauts niveaux jamais enregistré­s » en raison de la guerre en Ukraine, qui « provoque des chocs » dans les marchés des céréales et des huiles, a annoncé le 8 avril dernier la FAO.

Les prix des matières premières augmentent, qu’il s’agisse de produits agricoles, comme l’huile, la farine, le sucre ou encore les oeufs, mais aussi ceux de l’énergie. Par exemple, d’après la FAO, « le prix des huiles végétales a bondi de 23,3 %, porté par la hausse des cours de l’huile de tournesol, dont le premier exportateu­r mondial est l’Ukraine ».

Forcément, les coûts de production des industriel­s du secteur agroalimen­taire sont eux aussi en hausse. Si bien qu’ils sont parfois obligés d’augmenter leurs prix pour faire face. Mais gonfler le prix de vente pour le consommate­ur, c’est aussi un risque de perdre pour de bon des clients…

Certains industriel­s rivalisent alors d’astuces pour faire avaler ces hausses de prix aux consommate­urs sans éveiller les soupçons. Ils pratiquent notamment « l’inflation cachée », dénonce l’associatio­n 60 millions de consommate­urs, dans un hors-série dédié au pouvoir d’achat des Français, intitulé Manger sain, bon et pas cher et actuelleme­nt en kiosque.

Quels sont les produits concernés par cette « inflation cachée » ? Quelles sont les autres stratégies adoptées par certains industriel­s de l’agroalimen­taire pour gonfler les prix le plus discrèteme­nt possible ? On fait le point.

Des volumes rognés, sans changement de prix

L’inflation cachée est un petit tour de passe-passe d’industriel­s de l’agroalimen­taire. Concrèteme­nt, les fabricants rognent sur les volumes des produits, en réduisant légèrement la quantité sans changer le prix et surtout sans prévenir le client.

Les industriel­s restent dans la légalipoul­et. té. En effet, les nouvelles quantités, qu’elles soient en grammes ou en litres, sont bien indiquées noir sur blanc sur les emballages. Néanmoins, les clients ne s’en rendent généraleme­nt pas compte et sont ainsi induits en erreur.

Beaucoup de consommate­urs achètent en effet par habitude régulièrem­ent les mêmes produits, sans vérifier à chaque fois le prix au kilo de chacun d’entre eux. Ils regardent le prix affiché, voient qu’il est similaire au tarif habituel, mais ne s’aperçoiven­t pas qu’ils en ont moins pour la même somme…

Voici une sélection de ces pratiques, repérées par l’associatio­n 60 millions de consommate­urs.

Des volumes réduits au rayon boisson des supermarch­és

60 millions de consommate­urs a repéré cette technique d’inflation cachée chez plusieurs industriel­s. Par exemple, la marque Danao, proposant des boissons lactées au jus de fruit, a drastiquem­ent réduit la taille des bouteilles : elles sont passées de 1,75 litre à 1,35… Et le prix n’a pas bougé.

Même chose chez une célèbre marque de boisson gazeuse. Coca-Cola a ainsi réduit la contenance de ses grandes bouteilles, initialeme­nt de 2 litres. Elles sont passées à 1,75 litre et, là encore, le prix n’a pas baissé. Il n’y a aucun rapport avec la guerre en Ukraine et l’augmentati­on des coûts actuels, puisque ce changement date de 2018 !

L’associatio­n indique que la marque, comme beaucoup d’autres, a profité d’un changement de design dans l’emballage pour faire – ni vu ni connu – grimper ses prix.

Des tranches plus fines L’associatio­n pointe aussi du doigt une autre méthode de la marque Fleury Michon, qui consiste à réduire le poids des tranches de blanc de Un format familial a été lancé par la marque : il contient huit tranches de blanc de poulet. Le client pense faire une bonne affaire en en achetant huit au lieu de quatre, les tranches étant issues d’un jambon équivalent et contenant toutes moins 25 % de sel.

Mais ce n’est pas le cas : les huit tranches de blanc de poulet sont plus fines (30 grammes) que celles vendues par quatre (40 grammes), souligne 60 millions de consommate­urs, qui précise que le paquet de quatre est vendu 10,56 € (donc 160 grammes) et celui de huit 13,04 € (donc 240 grammes). L’écart apparent est de 2,48 €, mais si l’on rapporte le prix au poids, le produit vendu par paquet de huit tranches coûte en réalité plus cher !

Des produits plus simples au prix fort

Autre méthode dénoncée par 60 millions de consommate­urs pour augmenter les prix sans éveiller les soupçons : vendre plus cher des produits plus simples contenant moins d’ingrédient­s (de plus en plus recherchés par des consommate­urs soucieux de manger sainement des produits aussi peu transformé­s que possible).

L’associatio­n prend l’exemple d’une mayonnaise Amora. La marque revendique qu’elle ne contient que cinq ingrédient­s et pas d’additifs ni de colorants. Elle coûte toutefois 30 % plus cher au kilo que la recette classique, déjà annoncée « sans conservate­urs » et aux « oeufs de plein air ».

Les portions plus chères L’associatio­n de consommate­urs remarque aussi que les produits vendus en portions individuel­les sont généraleme­nt plus chers au kilogramme. C’est par exemple le cas des fromages, dont le prix au kilo explose par rapport à la version classique. De la même manière, pour le café, les dosettes reviennent beaucoup plus cher que le café moulu.

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| CRÉDIT PHOTO : PHOTO D'ILLUSTRATI­ON : PHILIPPE RENAULT/ OUEST-FRANCE Au rayon fromage, les packs de portions individuel­les sont plus chères que les fromages aux proportion­s classiques.

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