Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)
L’ex- PS Bernard Cazeneuve veut « refonder une pensée »
L’ancien Premier ministre, Bernard Cazeneuve, est ce week- end des 7 et 8 mai à Cherbourg, dont il fut le député- maire. Après avoir rendu sa carte du Parti socialiste, il explique sa vision de l’avenir de la gauche, la refondation qu’il appelle de ses voeux et le rôle qu’il compte y tenir.
Vous avez quitté le Parti socialiste. Son orientation ne vous correspond plus ?
Il faut savoir prendre le risque d’être seul, en harmonie avec ses convictions. Et il faut créer une alternative à ce pouvoir, qui soit de gauche, républicaine, inscrite dans la tradition socialiste, sociale démocrate européenne et qui redonne de l’espoir. Un certain nombre de camarades considèrent qu’il est encore possible de faire ça à l’intérieur du Parti socialiste. Moi pas. Ce parti est nécrosé autour de logiques et d’intérêts d’appareil. Le PS ne représente plus l’idéal que les socialistes ont porté.
Comment rebâtir une gauche qui corresponde à vos aspirations ? Je suis un homme libre. Pas un homme d’appareil. Il faut reconstruire de manière collective, chercher dans les organisations non gouvernementales, dans les forces syndicales des militants authentiques. Il ne faut pas le faire à partir d’appareils et d’apparatchiks prêts à tout pour survivre. Et chaque contributeur doit se garder de poser le moindre acte ou geste qui donne le sentiment qu’une personnalité pourrait tout cannibaliser.
Et ce n’est pas compatible avec cet accord pour les législatives à gauche…
C’est tout le contraire de ma conception de la politique. Lorsque l’essentiel est en jeu – les valeurs, les principes, les convictions – on ne peut passer de contrats, concéder de circonscriptions à des gens qui nous ont toujours combattus pour ce que nous étions. On brade ce que nous sommes en nous rangeant sous la bannière de leur idéologie.
Qu’allez-vous fairemaintenant ? Continuer à réfléchir, écrire, dire ce que je crois juste, et essayer de participer à une réflexion de fond. Si je peux, j’y contribuerai à travers la constitution d’une structure qui soit plus qu’un club et moins qu’un parti, où ceux qui ont de l’ambition pour le pays pourront se retrouver afin de refonder une pensée. Avec d’autres. Je ne crois pas aux logiques individuelles.
Quel rôle entendez-vous y tenir ?
Un parmi d’autres. Je le ferai avec ma personnalité, mes principes, mes valeurs, mes amis, la conception que j’ai de la politique, une sincérité… Comme je n’entends pas céder le moindre millimètre de ma liberté à quelque concession qui ressemblerait à une reddition, à un renoncement, je me sens plutôt déterminé.
Cela peut correspondre à ce que souhaite EmmanuelMacron…
Le seul discours de ceux qui sont engagés dans cette aventure, cet abandon, est d’expliquer que ceux qui ne sont pas d’accord sont macronistes et vont aller gouverner avec le président Macron. Je vais leur faire beaucoup de peine, mais je ne le ferai pas. Ce n’est ni mon intention ni ma ligne.
Le sens de notre nation, Stock, 200 pages, 19,90 €.