Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

Les Effrontées, l’histoire du cinéma au féminin

Documentai­re. D’Alice Guy, qui créa la fiction, à Julia Ducournau, Palme d’or 2021, la série en quatre épisodes réintègre les femmes dans l’histoire du 7e art.

- Propos recueillis par Sonia LABESSE.

Selma Schnabel, réalisatri­ce des Effrontées, épisode 1 : où sont les femmes ?

Dans l’histoire du cinéma au féminin, il y a d’abord Alice Guy, qui créa la fiction.

Alice Guy a été une pionnière en France, puis aux États- Unis. En 1895, les frères Lumière projettent leur premier film tourné à la sortie d’une usine à Lyon. Alice Guy, secrétaire deLéon Gaumont, y assiste. Elle convainc alors Léon Gaumont de tourner des films courts. Fille de libraire, elle est la première à raconter et mettre en scène des histoires au cinéma.

Elle dirige alors le départemen­t fiction de la sociétéGau­mont…

Elle le crée et le dirige. Alice Guy a pu prendre cette place car le cinéma est alors expériment­al, pas encore pris au « sérieux », pas encore lucratif. Elle crée le décor, le suspense, le gros plan, commence à coloriser à lamain la pellicule, ajoute des effets, du son. Lorsqu’elle suivra son mari, technicien de Gaumont, à New York, elle est la première femme à créer une société de production et ses studios, La Solax Film Co, en 1910. Elle sera aussi la première à tourner avec des comédiens noirs.

Gaumont et l’histoire du cinéma l’ont oubliée ?

Gaumont l’a passée à la trappe de son histoire. Et la mémoire collective a retenu GeorgesMél­iès, qui filmait ses tours de prestidigi­tation. Il est très touchant de regarder ses interviews, à 90 ans, racontant les débuts du cinéma. Depuis2018, unprixàson­nomrécompe­nse une réalisatri­ce française.

Que racontent ses films ?

Comme les réalisatri­ces d’aujourd’hui, elle apporte un regard différent sur le monde, qu’elle interroge avec humour.

Dans Les Résultats du féminisme en 1906, elle met en scène des femmes qui fument, regardent les hommes coudre, repasser, pousser un landau, se disputent au bar et virent ceux qui tentent de rentrer. Dans un autre, elle met en scène les fringales d’une femme enceinte qui chipe la sucette d’une enfant !

Autre oubliée, Jacqueline Audry, qui parlait du plaisir féminin à des millions de spectateur­s ? Ses films, notamment ses adaptation­s, étaient très populaires. Gigi, d’après

La Nouvelle Vague réintègre depuis peu Agnès Varda.

En réalisant La Pointe courte, avec Philippe Noiret débutant, et des pêcheurs de Sète, Agnès Varda inaugure, en 1954, ce nouveau cinéma qui va s’appeler la Nouvelle Vague. Pourtant jusque très récemment, l’histoire l’oubliait pour ne garder que Chabrol, Truffaut, Godard, Rohmer…

Avec 25% de réalisatri­ces, où se situe la France ?

Elle est proche des pays nordiques. La proportion tombe entre 10 et 15 % dans le sud de l’Europe. Et autour de 10 % aux États- Unis. Le budget des réalisatri­ces françaises est inférieur de 30 % et leur salaire est de 40 % à celui des réalisateu­rs. Cependant, en 2021, trois réalisatri­ces ont remporté trois des prix les plus prestigieu­x : Julia Ducournau a reçu la Palme d’or, Audrey Diwan, le Lion d’Or, et Chloé Zhao, l’Oscar de la meilleure réalisatri­ce.

France 2,22h50 ; le15mai à 23h05.

 ?? | PHOTO : ALAMY STOCK ?? En 2018, sur les marches de Cannes, 82 femmes symbolisan­t les 82 réalisatri­ces sélectionn­ées depuis 1946, appellent à l’égalité salariale.
Colette, attire trois millions de spectateur­s en 1949. Dans Minne, l’ingénue libertine, Olivia ou La Garçonne, elle évoque le plaisir féminin et l’homosexual­ité.
| PHOTO : ALAMY STOCK En 2018, sur les marches de Cannes, 82 femmes symbolisan­t les 82 réalisatri­ces sélectionn­ées depuis 1946, appellent à l’égalité salariale. Colette, attire trois millions de spectateur­s en 1949. Dans Minne, l’ingénue libertine, Olivia ou La Garçonne, elle évoque le plaisir féminin et l’homosexual­ité.

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