Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

Arcade Fire a retrouvé une partie de sa flamme

Rock. Angoisses et connexions humaines, le sixième album du groupemont­réalais est une parabole des temps présents, qui renoue avec l’esprit des débuts, en conservant quelques impulsions dansantes.

- Philippe RICHARD.

Comment retrouver la flamme quand elle s’est essoufflée en tentant de plus embraser ? En revenant aux fondamenta­ux, en cousinant les classiques, tout en n’oubliant rien.

On craignait d’avoir perdu Arcade Fire, la formation montréalai­se (maintenant installée à la Nouvelle Orléans) qui avait porté l’exaltation rock baroque à un point incandesce­nt, donnant une profondeur inusitée à l’épique, du blues au grandiose. Après trois albums impeccable­s, Reflektor (2013) pouvait être interprété comme un osé, mais plutôt réussi, pas de côté vers des rythmiques plus dansantes. Everything Now (2017) insistait sur le vernis disco tout en affichant un trop ambitieux (et lourdingue) concept de critique de la consommati­on. À force d’abuser de sa prestance de prêcheur, le leader Win Butler aurait- il cru à son pouvoir rédempteur ?

La conception de ce sixième album, écrit avant la pandémie, aurait été profondéme­nt remodelée en cours de route. Il est cependant probable que la première mouture opérait déjà un virage en épingle, au vu des critiques accablant l’album précédent.

Sous la houlette sonore de Nigel Godrich ( Radiohead) et du couple Win Butler/Régine Chassagne, We est lui aussi un disque concept de sept morceaux découpés en plusieurs mouvements, la première face creusant les angoisses aggravées par la crise sanitaire, la deuxième exaltant l’amour des nôtres et le retour aux liens. Il en ressort un album toujours un peu trop ambitieux pour son bien, mais plus généreux.

Tous les détails comptent. La pochette est une photo (par l’artiste français JR) d’un oeil humain à l’aspect légèrement inhumain. Sa noire pupille est censée représente­r le trou noir au centre de notre galaxie, Sagittariu­s A*, référence à la quatrième partie du titre End of the Empire. Surtout, la colorisati­on de la photo a été confiée au vétéran qui était intervenu sur les légendaire­s albums Ziggy Stardust et Hunky Dory. L’hommage au Bowie des années glam est évident dans End of the Empire I- III et compte parmi les meilleurs moments de l’album. On y ajoutera The Lightning II, réminiscen­ce du style initial du groupe, mais aussi Age of Anxiety I et II ouvrant l’album, tous deux construits sur une première partie sombre avant de s’installer sur le dancefloor avec un esprit plus post punk que disco.

Principal faux pas de l’album, l’électro pop Unconditio­nal II mené à la voix par Régine Chassagne avec Peter Gabriel en guest, ressemble à une tentative ratée de hit.

On a retrouvé Arcade Fire, un peu trop poli par l’érosion mais avec une conviction moins plastique. Il en faudra un peu plus pour rallumer notre enthousias­me.

We, Columbia, 10 titres, 40 mn.

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| PHOTO : MARIA JOSE GOVEA Le groupe Arcade Fire sort un sixième album imparfait mais rassurant.

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