Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

RichardMal­ka défend Charlie Hebdo et la liberté

Justice. Avocat de Charlie Hebdo, qu’il a notamment représenté lors du procès des attentats de 2015, cet ardent défenseur de la laïcité et de la liberté d’expression est l’invité de dimanche Ouest- France.

- Florence PITARD.

D’habitude, les invités de dimanche Ouest- France viennent accompagné­s d’une attachée de presse, voire d’une maquilleus­e lorsqu’il s’agit de stars de cinéma. C’est sans doute la première fois qu’une personnali­té est protégée par un garde du corps, un discret policier du Service de la protection ( SDLP). Richard Malka, l’avocat de Charlie Hebdo, est un homme menacé.

Tout de noir vêtu (il confesse un penchant pour le gothique), Richard Malka ne semble pas plus affecté que ça, même si les cigarettes qu’il enchaîne trahissent une certaine nervosité. Après « une année d’enfer », où un camion de CRS stationnai­t en bas de chez lui, il s’est habitué. Pourtant, le titre de son dernier livre, Le droit d’emmerder Dieu, texte de la plaidoirie prononcée le 4 décembre 2020 au procès des attentats de janvier 2015, n’est pas fait pour arranger son cas. Sourire aux lèvres permanent, Maître Malka persiste et signe.

« J’ai eu soif de revanche »

Lorsqu’en 1992, tout jeune avocat, il rédige les statuts de la société éditrice de Charlie Hebdo ( la société Kalachniko­v, ça ne s’invente pas), il est loin de s’imaginer sur quel terrain miné cela va l’entraîner. « Cela a été un enchaîneme­nt de circonstan­ces. Les hasards ont trouvé une cause qui résonnait en moi. » Il reconnaît que « c’est pesant ». À 53 ans, il n’a pas d’enfant, toute vie personnell­e est compliquée. « Les proches n’ont rien demandé. » Il aurait eu « 1 000 occasions de prendre des chemins de traverse ». Mais cela « donne un sens » à sa vie.

Ce fils d’un tailleur et d’une mère au foyer, juifs sépharades venus du Maroc, était loin de se rêver en combattant de la liberté d’expression ou en chantre de la laïcité. L’enfant du XIe arrondisse­ment de Paris avoue être devenu avocat par hasard. Mais ses origines modestes, et même « un complexe social puissant », ont été un booster. « Ça donne faim! J’ai eu soif de revanche, de réussite. Cela n’a été possible que dans une France républicai­ne et laïque. »

Il ne se projetait pas en pénaliste, voie royale pour devenir un ténor du barreau. Ironie du sort, il y voyait « trop de tragique ». « Cela m’aurait fait trop de mal, je n’avais pas la carapace. » À la faveur d’un stage au cabinet du célèbre Georges Kiejman, il s’est donc lancé dans le droit de la presse. « J’aime les débats de société en prise directe avec l’actualité. »

Me Malka, qui est par ailleurs auteur d’une vingtaine de scénarios de bande dessinée, accompagne donc depuis trente ans les dessinateu­rs de

Charlie Hebdo. Avec eux, il s’est longtemps battu contre les catholique­s intégriste­s liés au Front national, avant de changer d’adversaire­s à la faveur de procès ayant, par exemple, trait aux caricature­s de Mahomet. Il s’est illustré dans l’affaire Baby- Loup, où il était l’avocat d’une crèche mise en cause pour avoir licencié une salariée voilée. Il assure aussi la défense de Mila, lycéenne menacée sur les réseaux sociaux à cause de ses propos sur l’islam.

Ces combats, et bien d’autres, ont fait de lui un fervent défenseur de la laïcité, de la liberté d’expression et du droit au blasphème. Il affiche ses conviction­s dans la plaidoirie du procès des attentats de 2015, qu’il publie chez Grasset. Il est fier de parler de son livre « aussi bien chez Beur FM que sur les radios cathos ». « Je ne suis pas contre les religions, précise- t- il. Je ne plaide pas l’obligation d’emmerder Dieu, mais le droit de le faire. Les croyants devraient au moins conserver un droit d’irrespect envers Dieu. S’il existe, je ne pense pas qu’il s’offusquera de mots d’esprit ou de critiques. J’imagine un dieu bienveilla­nt, qui verra la preuve de la réussite de l’homme qu’il a créé dans le fait qu’il montre un esprit critique. »

« Arrêtez de respecter »

Pour lui, dans le procès Charlie, il fallait juger le crime contre les personnes et le crime contre la liberté d’expression. « On n’a pas à respecter les idées, mais les êtres humains. Personne ne pense la même chose, vous ne pouvez pas respecter les croyances de l’autre ! Mais vous devez respecter la personne qui croit. Jouissez des libertés, vos vies seront plus riches ! »

Il rappelle que la France est le pays de l’universali­sme et des Lumières, le premier à avoir dépénalisé le blasphème. Et se désole de ce que beaucoup l’oublient, surtout les jeunes, dans un pays où « nous avons failli à transmettr­e les valeurs républicai­nes ». « Le peuple s’offusque des libertés et il réclame d’en avoir moins ! Mais l’absence de liberté d’expression mène à la guerre. »

Avocat des Lumières, Me Malka exorcise aussi la violence qu’il reçoit dans des romans très noirs, comme Le voleur d’amour, histoire d’un vampire séducteur. « Je l’ai écrit après le procèsChar­lie. J’avais besoin d’évacuer toute cette noirceur. »

Le droit d’emmerder Dieu, Grasset, 92 pages, 10 €.

 ?? | PHOTO : MATHIEU PATTIER, OUEST-FRANCE ?? Richard Malka, avocat de « Charlie Hebdo », défend pied à pied la laïcité et la liberté d’expression.
| PHOTO : MATHIEU PATTIER, OUEST-FRANCE Richard Malka, avocat de « Charlie Hebdo », défend pied à pied la laïcité et la liberté d’expression.

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