Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)
« Du Pacifique au Sahara, n’oublier aucune victime… »
Jean-Louis Camuzat, président de l’Association des vétérans des essais nucléaires (Aven).
Comment l’Aven a-t-elle créé ce pont entre la Polynésie et le Sahara ?
Au départ, la création de notre association est venue de copains qui, dans l’Hexagone, avaient gardé le contact après leur service militaire, comme moi, ou après leur carrière dans l’armée. Ils ont constaté qu’ils étaient plusieurs à être malades des mêmes cancers. Ils avaient en commun d’être allés en Polynésie ou dans le Sahara au moment des essais nucléaires. C’est comme ça qu’est née l’Aven, en 2001, pour défendre et assister les vétérans et leurs familles. Très vite, nous avons axé nos actions sur l’accès aux dossiers médicaux, le droit à la pension, à l’indemnisation… Aujourd’hui, nous comptons 3 000 adhérents actifs.
Vous rappelez souvent que les vétérans du Sahara ne doivent pas être oubliés…
La France a effectué 210 essais nucléaires. Bien sûr, les 193 réalisés en Polynésie ont davantage marqué les esprits. Pourtant, avant le Pacifique, il y a eu le Sahara algérien, pendant la période de l’Algérie française puis après l’Indépendance. Entre 1960 et 1966, dix-sept expériences nucléaires ont été menées sur les sites d’In Ekker et de Reggane. Il y a soixante-deux ans, il y a notamment eu le tir Beryl, reconnu aujourd’hui comme l’un des plus graves accidents de tout le programme nucléaire français.
Mais dans le Sahara, ni les vétérans ni les populations ne bénéficient malheureusement des mêmes indemnisations et accompagnements qu’en Polynésie. Le sujet y est encore complexe et tabou… Sur nos 245 dossiers présentés au comité d’indemnisation (Civen), un seul a concerné un vétéran de l’Algérie.
Quelles avancées attendre pour l’indemnisation des victimes ? Il faut augmenter le nombre de maladies radio induites dans la liste qui permet d’ouvrir un dossier auprès du Civen. J’ai bon espoir que trois à quatre de plus soient ajoutées aux vingttrois actuelles. Le lancement d’une étude scientifique sur les maladies transgénérationnelles nous semble également très important. Nous avons collecté des témoignages concordants d’enfants et petits-enfants de vétérans victimes de cancers, mais aussi de malformations congénitales, d’allergies de peau… Et puis, nous souhaitons que les aidants des malades, les « victimes par ricochet », soient enfin reconnus. On ne prend pas assez la mesure des dégâts que crée la maladie pour les proches.