Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

Négocier ou agir, l’ex du GIGN maîtrise le sujet

Ancien du GIGN, négociateu­r au moment des attentats terroriste­s, David Corona conseille désormais dans le civil. Contrôler la violence ou les émotions négatives, il connaît.

- Philippe LEMOINE.

Quand il était petit, David Corona était roux et « un peu bouboule ». Dans la cour de récré, ce n’était pas toujours simple. Face aux moqueries de ses petits camarades – les enfants sont toujours charmants entre eux – il a développé deux attitudes : « Soit je prenais sur moi. Soit c’était la bagarre. »

Négocier ou frapper… Sans le savoir, une vocation était née. «Le véritable déclic, je l’ai eu à 15 ans, le 26 décembre 1994, en voyant à la télé le GIGN intervenir à Marignane pour libérer les passagers de l’Airbus pris en otage par des terroriste­s du Groupe islamique armé (GIA). »

Ironie de la vie, David Corona jouera des années plus tard dans le film qui raconte cette opération, L’assaut, avec Vincent Elbaz. « Pour davantage de réalisme, le metteur en scène a demandé à des membres du GIGN de jouer dans le film, j’en faisais partie. »

Car David Corona, 43 ans, est allé au bout de son rêve d’ado. « Le 24 mai 2008, le jour de mes 30 ans, après un premier échec, j’ai intégré le Groupe d’interventi­on de la gendarmeri­e nationale. » Un corps d’élite créé en 1974 qui, depuis, s’est illustré dans de nombreuses opérations.

Quand tout part en cacahuètes

N’y rentre pas qui veut. « Mon premier échec a été cuisant, j’ai été éjecté en 24 heures… » David Corona mettra six ans à se repréparer tout en grimpant au sein de la gendarmeri­e où il travaille déjà en parallèle. Cette fois, physiqueme­nt et mentalemen­t, il est prêt. Et c’est préférable. Dans son livre Négocier, il raconte par le menu « tout en taisant deux ou trois trucs », l’incroyable dureté voire cruauté des épreuves infligées aux « sous-chiasses », l’élégant sobriquet désignant les candidats.

On connaissai­t les stages commandos, les parcours du risque avec leur lot d’épreuves physiques à faire frémir

John Rambo. S’y ajoutent des simulation­s d’interrogat­oire à la limite de la torture mentale et physique… « L’humiliatio­n y est permanente, mais l’objectif est de préparer les gars à endurer des épreuves, à leur apprendre à connaître leurs limites. Cela pourra leur sauver la vie sur le terrain. »

David Corona a surmonté tout ça pour rejoindre l’équipe d’interventi­on au casting paradoxal. « Il faut des gars assez fous pour ouvrir une porte derrière laquelle un mec attend pour leur tirer dessus et assez posés et sereins pour ne pas défouraill­er à tout va. »

Petit à petit, David apprivoise ce métier où la mort est présente (il en parle avec un certain détachemen­t), où la tension, les crises et l’adrénaline sont le lot quotidien. « On a tous notre petit truc en plus… Moi, quand tout part en cacahuètes, j’arrive à rester calme et à y voir clair. »

Une faculté qui va le pousser à devenir négociateu­r. Celui qui parle au forcené en espérant le convaincre de se rendre… Il va enchaîner les missions et sera présent le 9 janvier 2015 à Dammartin-en-Goële, ce petit village de Seine-et-Marne où se sont planqués les frères Kouachi, les tueurs de Charlie Hebdo. « Ce jour-là, on s’est fait voler la négociatio­n. Après leur passage à l’acte, les terroriste­s ont souvent envie de délivrer un message. C’est notre seule petite fenêtre de dialogue avec eux. » Mais le message a été délivré avant. Un journalist­e de BFM TV a fait sonner en permanence toutes les lignes de l’imprimerie dans laquelle les frères Kouachi s’étaient réfugiés. « Ils ont fini par décrocher et une interview a été faite. Ils n’avaient donc plus besoin de nous parler. Heureuseme­nt, on a réussi à bloquer la diffusion de l’enregistre­ment… » Vers 17 h, les Kouachi sortiront en tirant et seront abattus par le GIGN.

Un coup de gueule

S’il reconnaît et salue l’acte de bravoure du lieutenant-colonel Beltrame à Trèbes, le 23 mars 2018, David Corona s’étonne que l’officier supérieur se soit mis à la place de l’otage, une femme enceinte. « C’est contraire à toutes nos procédures. Le terroriste n’avait plus de munitions et Arnaud Beltrame est entré avec son arme de service. » Dans le corps à corps qui va opposer les deux hommes, c’est cette arme qui se retournera contre lui. Arnaud Beltrame recevra aussi un coup de poignard à la gorge et décédera de ses blessures à l’hôpital.

Sur le Bataclan, David Corona ne cache pas sa colère sur la guerre politique des territoire­s et des compétence­s entre Raid (l’unité d’élite de la police nationale), BRI (la brigade de recherche et d’interventi­on de la police judiciaire) et GIGN qui a abouti à une perte de temps pour les victimes. « Fort heureuseme­nt depuis, le schéma d’interventi­on a été revu… »

Aujourd’hui, David Corona a quitté le GIGN. Il met ses compétence­s au service de sportifs de haut niveau, de chefs d’entreprise, et leur apprend à gérer le stress, les crises. À négocier avec eux-mêmes et avec les autres…

Négocier, David Corona, Grasset, 240 pages, 19 €.

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| PHOTO : OUEST-FRANCE David Corona est un ancien négociateu­r du GIGN, corps d’élite de la gendarmeri­e.
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