Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

Louis et Marie, la première étoile du Roi-Soleil

Un château, une histoire d’amour. « Vous êtes empereur, seigneur et vous pleurez… » Voici un vers de Bérénice, de Racine, qu’on croirait écrit pour Louis XIV et son premier amour, Marie Mancini.

- Françoise SURCOUF.

Louis XIV a 9 ans, en 1647, quand il fait la connaissan­ce de sa future passion de jeunesse. Marie, née le 28 août 1639, est sa cadette d’un an. Elle vient tout juste d’arriver d’Italie avec ses quatre soeurs et ses deux cousines pour rejoindre au Louvre leur oncle, le cardinal de Mazarin. Ce dernier, qui a le sens de la famille, souhaite en effet heureuseme­nt et richement marier ses nièces.

Celles que l’on va bientôt surnommer les Mazarinett­es ont donc fait le chemin depuis Rome jusqu’à la Cour de France. Il y a là les Mancini : Laure, l’aînée, Olympe, piquante et rieuse, Hortense, la plus belle, Marie, la plus timide et Marie-Anne, la benjamine et les Martinozzi : Laura et Anne Marie. Toutes deviennent les compagnes de jeu du jeune monarque que la Fronde, une révolte des princes et des Parlements qui dure jusqu’en 1653, a malmené, le rendant renfermé et méfiant.

Une adolescenc­e partagée

1654. Les années ont passé. Louis, 16 ans, et les Mazarinett­es s’entendent toujours à merveille et, si le jeune roi fréquente déjà nuitamment les demoiselle­s d’honneur de sa mère, ses compagnes de jour restent les nièces du Cardinal. Il partage leurs jeux dans les jardins du Palais Royal (où on dut même un jour le repêcher au fond du bassin), organise avec elles des bals et des réjouissan­ces… Bref, il oublie quelques heures ses obligation­s royales.

Olympe Mancini, qui a son âge, est sa préférée. Il en fait la reine de ses fêtes au point que Mme de Motteville, mémorialis­te de l’époque, n’hésite pas à écrire : « Le Roi la menait toujours danser […] et il semblait que les bals, les divertisse­ments et les plaisirs n’étaient faits que pour elle. » Dans le palais de verre qu’est le Louvre, où tout le monde épie et surveille tout le monde, les cancans vont bon train et d’aucuns commencent à murmurer qu’Olympe ferait une bien jolie reine de France…

Ce qui n’est du goût ni d’Anne d’Autriche ni de Mazarin. Si la première souhaite que son fils épouse une princesse, le second craint que cette idylle ne compromett­e la perspectiv­e d’un beau mariage pour sa nièce.

Après quelques mois loin de Paris, la Mazarinett­e est donc contrainte d’épouser, en février 1657, le comte de Soissons. Peu fidèle, le roi oublie vite la belle pour rejoindre le nord où il veut reconquéri­r les terres prises par les Espagnols. Et c’est à Calais que la fièvre le terrasse.

Durant deux semaines il délire, entre la vie et la mort. Le royaume entier est en prières. Déjà les courtisans se détournent du lit du jeune monarque agonisant pour flatter son frère et futur successeur. Quand Louis ouvre les yeux, ne demeure plus à son chevet que Marie Mancini qui, les yeux baignés de larmes, espère encore. Le souverain comprend alors que la discrète Mazarinett­e est amoureuse de lui. Il voit qu’elle est sincère et s’en émeut.

Guéri grâce à un remède « à l’antimoine et au vin émétique », il s’empresse de rentrer à Paris pour y retrouver celle dont la douceur l’a séduit. Là, il s’aperçoit que la petite fille gauche et un peu chevaline de ses souvenirs d’enfance est devenue une jolie créature élancée dont les grands yeux noirs et la taille souple font oublier le teint un peu bistre et la bouche un tantinet trop grande.

À l’automne 1658, ils sont inséparabl­es. Elle initie le monarque mal dégrossi à la littératur­e latine, aux mythes gréco-romains et à la poésie. C’est sans doute grâce à son influence que Louis deviendra un jour le Roi-Soleil, mécène et protecteur des Arts.

Pendant le séjour de la Cour à Fontainebl­eau, les fêtes s’enchaînent, bals, feux d’artifice, collations champêtres, cavalcades sous les ombrages, promenades… Marie en est désormais la reine. Mais, même les plus mauvaises langues sont contrainte­s de s’avouer que la relation des deux jeunes gens reste platonique.

Un amour interdit

C’est alors que Mazarin décide qu’il est temps pour Louis de se marier. L’épouse idéale ? Pour le Cardinal comme pour Anne d’Autriche, elle porte le nom de Marie-Thérèse, infante d’Espagne, la fille de l’ennemi. Le 4 juin 1659, son père signe traité de mariage et préliminai­res de paix. Mazarin, en accord avec la reine, voyant que l’union espagnole est en bonne voie, ordonne d’éloigner Marie, de l’envoyer en exil au château de Brouage, en Vendée. Il est impossible de la laisser seule à Paris tandis qu’il s’en va pour Madrid.

La mort dans l’âme, les amoureux acceptent. Mais, la veille du départ, l’inconcevab­le se produit. Ne supportant pas que la raison d’État le sépare de sa bien-aimée, Louis XIV annonce à sa mère qu’il souhaite épouser la jeune fille. La reine, qui espérait sceller grâce au mariage de son fils la paix entre la France et l’Espagne, gourmande Louis, le menace d’une rébellion générale qui le renversera­it…

Le jeune homme s’entête. Puis il cède et sort de la pièce « avec quelque enflure aux yeux ». Le 22 juin 1659, les amoureux se séparent dans le déchiremen­t. Louis XIV accompagne sa bien-aimée jusqu’à son carrosse, sans cacher ses larmes. C’est là que la jeune Italienne dira au roi cette phrase qui inspirera Racine : « Vous pleurez Sire, vous êtes le Maître et moi je pars. »

L’épilogue a lieu quelques mois plus tard. Louis, sur le chemin de l’Espagne, exige de faire un détour par la Vendée pour revoir une dernière fois Marie. Mais les dés sont jetés. Le 3 septembre, la jeune fille écrit à son oncle qu’elle renonce au roi. Elle épousera quelques mois plus tard le connétable Colonna et s’établira à Rome, la ville où elle est née.

Marie Mancini, premier et peut-être plus grand amour de Louis XIV, meurt le 8 mai 1715 à Pise, en Italie, quatre mois avant son bien-aimé Roi-Soleil.

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| PHOTO : D. R La Citadelle de Brouage, où la nièce du cardinal de Mazarin, Marie, vécut son exil, loin du bien-aimé Louis XIV.
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| PHOTO : LEBRUN/JACOB FERDINAND VOEY Le Roi-Soleil et Marie, son premier grand amour.
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