Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)
Elle écrit son amour pour Saint-Malo la secrète
Livre. Gwenaële Robert sort Le dernier des écrivains, dont le personnage principal est la cité corsaire. Elle transpose souvent ses romans dans l’Histoire et est une auteure jeunesse reconnue.
Gwenaële Robert aime arpenter les remparts de Saint-Malo, surtout lorsqu’il pleut. Elle accueille stoïquement les averses, sans parapluie, en vraie Bretonne d’adoption. Carré blond impeccable, Gwenaële Robert a la distinction classique, avec un soupçon d’originalité, qui prend la forme d’une broche rouge pailletée en forme de homard, piquée dans son blazer marine.
La romancière, qui habite Paramé, à quelques encablures, adore chercher l’inspiration ici. Contrairement à de nombreux Malouins, qui boudent un intra-muros souvent envahi par les touristes, elle y vient régulièrement. Rien de plus normal, pour une auteure qui vit les pieds dans le XXIe et la tête dans les siècles précédents.
« Transportée dans l’Histoire »
Son nouveau livre, Le dernier des écrivains, se déroule pour une fois à notre époque. Au coeur de ce polar qui inaugure une nouvelle collection des Presses de la Cité, Terres sombres, se joue la disparition d’un écrivain, Pierre Le Guellec. Cet auteur malouin, fraîchement décoré du prix Nobel, s’est évaporé. Son attachée de presse mène l’enquête au fil d’une intrigue pleine de chausse-trappes et de rebondissements, qui est aussi un hommage à la littérature.
Mais le véritable personnage principal du livre est Saint-Malo, dont le charme hors du temps est parfaitement restitué. Les hauts murs, les pierres grises respirant l’austérité bruissent de secrets et le souvenir des terre-neuvas y est encore vif. « Quand on entre par la porte SaintVincent, on est transporté dans l’Histoire », dit Gwenaëlle Robert en désignant les façades de granit aux hautes fenêtres des demeures d’armateurs initialement datées du XVIIIe siècle.
La ville, détruite à 80 % lors de la Seconde Guerre mondiale, a été refaite à l’identique, mais la reconstruction en a préservé le mystère. Même s’il s’évanouit parfois, lorsque l’on pousse les portes des façades en trompe-l’oeil. « Certaines cages d’escalier sont typiques des années 1960, les carrelages des entrées aussi », sourit Gwenaële Robert. Elle est bien placée pour le savoir. « Pour écrire le livre, j’ai fait semblant de chercher un appartement… »
Elle espère que les agents immobiliers, qui l’appellent encore, lui pardonneront ce demi-mensonge. Elle aurait rêvé acheter ici. Mais lorsqu’elle est venue habiter à Saint-Malo avec son mari informaticien en 2015, intra-muros s’est avéré peu pratique pour abriter leurs quatre filles, aujourd’hui âgées de 12 à 20 ans.
C’est ici que cette professeure de lettres originaire d’Ève, un village de l’Oise, s’est mise en disponibilité de l’Éducation nationale (elle a juste gardé quelques heures à la faculté catholique de Rennes) afin de se consacrer à l’écriture. Elle y était entrée timidement, en 2012, par la porte de la littérature jeunesse, sous le nom de Gwenaële Barussaud. « Fréquenter les classiques, cela inhibe. C’était une façon de faire mes armes. » Examen d’entrée réussi. Ses séries historiques, Les demoiselles de l’Empire, Miss Dashwood ou encore Célestine, petit rat de l’Opéra, font un carton auprès des enfants.
Son premier livre, Héloïse, pensionnaire à la Légion d’honneur, était inspiré de ses années-lycée à la maison d’Éducation de la Légion d’honneur, un établissement d’excellence créé par Napoléon pour les descendantes des décorés. Elle doit cette admission à ses deux grands-pères militaires, son père étant ingénieur et sa mère professeure de français. Les hasards de la vie l’ont aussi amenée à enseigner dans une institution plus ancienne encore, le Prytanée militaire de La Flèche, dans la Sarthe.
« Les bruits de la rue »
Gwenaële Robert s’est lancée dans le grand bain de la littérature générale en 2017 avec Tu seras ma beauté, clin d’oeil à Cyrano de Bergerac et à la littérature du XIXe siècle, son siècle de prédilection. Elle l’a découvert à travers ses auteurs favoris, Zola, Chateaubriand, Balzac, Hugo… «La littérature vous imprègne de l’époque, on entend les bruits de la rue, on sent les odeurs. Avec elle, la chair de l’Histoire apparaît. »
Elle a donc souvent pris pour toiles de fond la Révolution et le XIXe siècle, périodes de transition propices au roman. Le dernier bain s’inspirait de l’assassinat de Marat par Charlotte Corday. Pour Never Mind, elle a déniché un chouan originaire des Côtesd’Armor, Joseph Picot de Limoëlan, auteur d’un attentat contre Napoléon.
Les chronologies, les éléments historiques lui apportent des contraintes bienvenues. « Cela définit un immense espace de liberté et empêche de s’éparpiller. »
Ses romans sont enlevés, ses personnages fouillés. Surtout, elle sait planter les univers, transcrire les atmosphères, comme le loue son éditrice des Presses de la Cité, Laure Buisson : « À chaque fois, on est dans le livre ! Dans Le dernier bain, on était dans la salle de bains avec Marat… »
Le dernier des écrivains, Les Presses de la cité, 298 pages, 20 €. E-Book 13,99 €.