Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)
Dampierre, le « mini-Versailles », fait peau neuve
En travaux depuis 2020, ce château des Yvelines commence à révéler ses façades. Le domaine attire déjà les touristes, qui devront patienter jusqu’en 2025 pour visiter l’intérieur.
Au croisement de la D58 et de la D91, se niche le domaine de Dampierre-enYvelines. Sur toute sa longueur, le parking qui longe le château s’orne de voitures. De hautes palissades, assorties de panneaux « chantier interdit au public », empêchent de voir l’intérieur du domaine.
Difficile, dans ses conditions, d’imaginer à quoi pouvait ressembler le lieu au XVIIe siècle, quand il fut imaginé par Jules Hardouin-Mansart, architecte de Versailles. Propriété des ducs de Chevreuse et de Luynes jusqu’en 2018, le domaine, à 30 kilomètres de Paris, a servi de lieu de villégiature pour les rois Louis XIII, Louis XIV et Louis XV.
Sans en posséder les dimensions ni le faste, ce mini-Versailles, plus intimiste et sauvage que son illustre cousin, fait partie des plus beaux châteaux d’Ile-de-France.
« Un des plus gros chantiers privés en France »
Le parc, près de 400 hectares (dont 90 ouverts au public) entouré d’un mur de 14 kilomètres, respire le calme. Les grandes pièces d’eau attirent canards et oies, qui protègent en ce mois de mai leurs poussins. Mais l’oeil demeure attiré par le château, qui trône au nord du parc, encore recouvert de gigantesques bâches.
Celle recouvrant la façade sud, invisible depuis la route, a été retirée jeudi, avant que les échafaudages ne disparaissent eux aussi mi-juillet. Une étape importante dans des gigantesques travaux, commencés en 2020 et qui courront, sauf retard, jusqu’en 2025.
« Le domaine n’avait pas connu de travaux conséquents depuis près de deux cents ans, résume Pascal Thévard, directeur général du site. Depuis les années 1980, le site était renfermé sur lui-même. Franky sauve ce patrimoine exceptionnel. » Franky, c’est Franky Mulliez, 75 ans et fondateur de Kiloutou, une enseigne de location de matériel pour le BTP. Il fait partie de la richissime et discrète famille Mulliez, originaire de Roubaix, à l’origine des chaînes Auchan, Decathlon, Flunch…
En 2018, à la recherche d’un deuxième château à acquérir, le choix de Franky Mulliez s’est porté sur Dampierre. Devant l’état du site, l’entrepreneur débourse environ 50 millions d’euros pour remettre en état le domaine. «Un des plus gros chantiers privés en France », glisse Rémi Vignon, assistant maître d’ouvrage.
Il a aussi décidé de l’ouvrir au public dès 2019. Le discret propriétaire, ému, se souvient : « Il y a vingt ans, lors de la restauration de mon château en Dordogne, Maman m’a dit : « Ouvre-le au public ! » Mais je ne voulais pas. Aujourd’hui, je reprends son idée à Dampierre », détaille celui qui ne se sent « pas du tout une âme de châtelain ». « Mon projet est altruiste, le château doit être ouvert au public, et mes héritiers sont d’accord pour poursuivre ce souhait. » « Ce château, c’est son deuxième Kiloutou », estime Pascal Lemaître, conseiller depuis vingt-trois ans de Franky Mulliez. Un autre moyen de faire fortune ? « Nous ne sommes pas là pour faire du chiffre. Nous avons accueilli 20 000 personnes en 2019, et 45 000 en 2021 », corrige Pascal Thévard. Pour un objectif, en vitesse de croisière, de « 100 000 à 150 000 visiteurs ».
Un chiffre bien éloigné des 8,2 millions de personnes qui ont arpenté les allées du château de Versailles en 2019.
Pourtant, dans ce village paisible de 1 000 habitants, le projet interpelle. Si les commerçants sont ravis, telle cette coiffeuse qui estime que « ce village endormi retrouve une joie de vivre », certains habitants craignent que l’afflux de touristes, et surtout de voitures, ne perturbe leur tranquillité.
Le nouveau propriétaire constate certaines plaintes, mais se dit confiant, « les Dampierrois seront eux aussi altruistes ».