Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

Johnny Charron, doyen des jockeys français

Tenace et bosseur, l’Angevin s’alignera, aujourd’hui, au départ du Grand steeple-chase de Paris. À bientôt 42 ans, c’est une sacrée performanc­e dans une discipline plus qu’exigeante.

- Emmanuel ESSEUL.

Aujourd’hui, à 16 h, l’hippodrome d’Auteuil sera le théâtre du Grand steeple-chase de Paris, une épreuve mythique dans cette discipline qui constitue l’une des trois formes de courses d’obstacles. Au menu : 6 000 mètres, parsemés de vingttrois obstacles aux difficulté­s variables. Et une question : qui pour succéder à Docteur du Ballon, le cheval entraîné à Senonnes (Mayenne) par Louisa Carberry, sacré en 2020 et 2021 ?

Un certain Sel Jem figure parmi les principaux prétendant­s sous le numéro 15. Ce hongre de 5 ans, entraîné en Charente-Maritime chez Guillaume Macaire, est monté par Johnny Charron, originaire du Maine-et-Loire. Né à Cholet, le jockey a grandi à Chemillé puis à Angers, ville qu’il « adore ».

Voir Johnny Charron au départ est épatant. Parce qu’il se remet tout juste d’une blessure à l’épaule mais surtout parce que dans huit jours – le 30 mai –, il fêtera ses 42 ans. Ce qui en fait le jockey d’obstacles le plus âgé en France.

« Un seul vrai repas par jour »

De quoi susciter le respect. Du haut de ses 176 centimètre­s, il a sans cesse dû lutter pour « rester au poids ». Comprenez par là, ne pas dépasser les 67 kg et parfois descendre à 65. « Je fais du sport quasiment tous les jours, 45 minutes de cardio et du renforceme­nt musculaire, expliquet-il. Je bois aussi beaucoup d’eau. »

Il s’astreint à une alimentati­on particuliè­re. « Je ne mange qu’un vrai repas par jour, le soir. Je sais que ça n’est pas habituel mais je ne veux pas me réveiller avec les crocs. Je fais donc un repas équilibré : pâtes ou riz et viande blanche en général. » Pour le reste, le plus souvent, cela se résume à ananas, compote et café au petit-déjeuner, et quelques pommes dans la journée. Son rythme de vie est tout aussi particulie­r, entre montes matinales, dès potron-minet, pour entraîner les chevaux, et retour dans la nuit les jours de courses. « Les chevaux, c’est ma passion. J’adore leur contact, les brosser, les préparer, en prendre soin. Je trouve d’ailleurs que la nouvelle génération de jockeys oublie souvent ce côté lad. Et ça me met hors de moi. Je noue des affinités avec les chevaux dont je m’occupe et ils me le rendent bien. »

Comme Sel Jem, gêné par une boiterie à 3 ans mais dans lequel il a toujours cru. « Je le monte tous les matins, je le connais par coeur et voilà où il m’emmène aujourd’hui. C’est un kif. »

Cette passion pour les chevaux revient en boucle dans sa bouche. « C’est elle qui m’a aidé car j’étais nul quand j’ai commencé en apprentiss­age mais j’ai travaillé dur, confie-t-il. En 1999, quand je suis arrivé à Maisons-Laffitte (Yvelines) chez Guy Cherel, j’étais encore assez médiocre mais je me suis accroché. Il m’a dit : « Je te donne un mois, si ça ne se

passe pas bien, tu dégages ! » Au bout d’un mois, j’ai couru, j’ai fini 6e. Peu de temps après, j’ai gagné une première course, et c’était parti. » La famille, son pilier

En serrant les dents, Johnny Charon, fils d’ouvriers dans la chaussure, a réussi à se faire une place dans ce milieu qui n’était pas le sien. Et si son ascension n’a pas été linéaire – « j’ai tendance à un peu trop dire ce que je pense » –, il a toujours pu compter sur le soutien de sa famille, son pilier. « Elle est essentiell­e pour moi. Ma maman a tout fait pour que ses cinq enfants restent liés, même dans les moments difficiles que nous avons traversés. »

Profession­nellement, il en a vécu un particuliè­rement délicat, chutant lourdement le 18 janvier 2018, à Pau. Verdict : deux vertèbres fracturées. « Pendant trois heures, entre l’accident et l’opération, j’ai passé mon temps à pleurer et à avoir un mal de chien. J’étais aux urgences et rien que les pas des gens dans le couloir me lançaient de terribles décharges. »

La tentation d’arrêter fait son chemin mais les coups de fil réguliers de David Powell, « légende des courses récemment parti », l’ont convaincu de continuer. « Ses mots m’ont mis un coup de pied au cul. J’ai aussi eu un super kiné et un super coach sportif, ils m’ont fait travailler comme un fou. » Sept mois après sa chute, Johnny Charron a renoué avec les courses… et gagné.

Aujourd’hui installé à Royan (Charente-Maritime) pour raisons profession­nelles, le champion a atteint la barre des 400 succès en obstacles et semble déterminer à continuer. Pour son plaisir et pour celui de son fils, né à l’été 2019 et vivant à Pau, avec sa compagne. « Ça aurait pu m’inciter à arrêter mais il commence à me suivre en course. L’entendre dire : « Allez papa ! », c’est tellement sympa. »

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| PHOTO : SCOOP DYGA À bientôt 42 ans, Johnny Charron sera au départ du Grand steeple-chase de Paris.

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