Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

McDonald’s, l’enseigne que les jeunes dévorent

L’analyste Jérôme Fourquet publie une étude sur les rapports qu’entretienn­ent les Français, de 18 à 35 ans, avec le leader du fast-food. Décryptage d’une « génération McDo ».

- Propos recueillis par Camille DA SILVA.

Pourquoi avoir étudié l’enseigne de fast-food McDonald’s ?

Cette étude (1) s’inscrit dans des travaux plus globaux menés au cours des dernières années sur la métamorpho­se de la société française, synthétisé­s dans notre livre La France sous nos yeux, coécrit avec Jean-Laurent Cassely. L’un des aspects qui nous a paru le plus spectacula­ire est cette accélérati­on, depuis les années 1980, de l’américanis­ation de notre société. La France est aujourd’hui le deuxième marché mondial pour McDonald’s, juste après les États-Unis. L’enseigne est donc un symbole et un révélateur de la diffusion de la culture américaine sur notre territoire.

Et pourquoi sur les jeunes ?

Étudier les jeunes, c’est étudier la génération qui a grandi dans ce qu’on appelle « la France d’après ». J’entends par là cette France qui, depuis quarante ans, est soumise à de multiples transforma­tions. On voit apparaître un nouveau paysage gastronomi­que, de nouveaux rapports à l’alimentati­on et les plus concernés sont les 18-35 ans.

s’être

concentré

Qu’est-il ressorti de cette étude ? Parmi les jeunes, 51 % vont au moins une fois par mois chez McDo, dont 22 % plusieurs fois par mois. Ça nous montre la pénétratio­n du phénomène. 35 % y vont occasionne­llement, c’est-àdire une fois ou quelques fois dans l’année, et seulement 14 % n’y vont pas du tout. Parmi les consommate­urs réguliers, les femmes y vont autant que les hommes, on y trouve des jeunes cadres comme des ouvriers, des habitants des petites comme des grandes villes, il y a de tous les partis politiques… Dans une jeunesse multiple, il est rare qu’une marque fédère autant.

Pourquoi les jeunes attachés à l’enseigne ?

Ils y ont leurs repères et ces repères ont été incorporés dans leur plus tendre enfance. Pour 56 % d’entre eux, la première fois dans l’un de ces restaurant­s s’est faite avant l’âge de 8 ans, avec les parents. Et maintenant, vous avez des jeunes parents qui y amènent leurs gamins. Il y a une reproducti­on, le pli est pris. Vous n’y faites pas la même chose lorsque vous avez 7 ou 25 ans, mais c’est toujours chez McDo que ça se passe. Ça fait dorénavant partie de notre culture.

sont-ils

Y a-t-il un risque pour nos traditions culinaires ?

Il est clair que le modèle McDo est hyperpuiss­ant, hyperattra­ctif. Vous n’avez pas de chaîne qui attire les jeunes en faisant du bourguigno­n et de la blanquette (rires). C’est un symptôme évident d’américanis­ation. Ces jeunes, qui constituen­t la France de demain, consomment massivemen­t des burgers mais aussi des pizzas, des sushis, des tacos… C’est le grand mélange, et fatalement, la part de la gastronomi­e traditionn­elle se réduit. Mais elle ne disparaît pas ! Il restera un attachemen­t à la cuisine française mais ce sera un segment parmi d’autres dans l’alimentati­on.

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| PHOTO : ARCHIVES MATHIEU PATTIER, OUEST-FRANCE Jérôme Fourquet, directeur du départemen­t opinion et stratégies d’entreprise de l’Ifop.

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