Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)
2 millions de repas par jour
Au point que l’enseigne devienne un lieu de socialisation ?
Les jeunes n’y vont plus seulement pour manger mais aussi pour se retrouver : célébrer un anniversaire (40 %) , faire un premier rencard (20 %), fêter l’obtention du permis (46 %), boire un café (49 %)… McDo est devenu le nouveau bistrot. Et c’est aussi un lieu de travail, puisque 10 % des interrogés y ont déjà travaillé. L’enseigne fait donc partie du paysage géographique, mental et même affectif de ces jeunes. C’est pour cette raison que, dans cette étude, nous les qualifions de « génération McDo ».
Si les jeunes y vont beaucoup, c’est aussi parce que l’enseigne est partout ?
En effet. Le premier McDonald’s a ouvert à Strasbourg en 1979, le second était en région parisienne, et progressivement, le phénomène s’est propagé. En 1990, on comptait une centaine de restaurants, en 2021 on est passé à 1 500. Le système de franchise explique en partie la rapidité et l’intensité de ce développement.
Pourtant, les débuts de l’enseigne ont été compliqués…
Comme pour l’arrivée de Disney, dans les années 1980-1990 en France le mot d’ordre était : « non à l’impérialisme américain ». On se souvient du démontage du McDo de Millau par José Bové en 1999 ! Mais cette bataille idéologique a été perdue en rase campagne. Actuellement, l’enseigne revendique 2 millions de repas par jour dans notre pays. C’est assez spectaculaire de voir la façon dont ça a pénétré tous les territoires et tous les étages de la société.
Comment McDo fait pour
s’imposer de la sorte au pays du jambon-beurre ?
L’enseigne a adapté son modèle et répondu, assez stratégiquement, aux critiques des Français. Elle a mis en avant le fait de se fournir auprès des agriculteurs locaux, ce qui participe à l’acceptation du modèle. Elle a lancé des produits qu’on ne trouve qu’en France et adapté un certain nombre de recettes. Elle a aussi transformé ses espaces de vente pour qu’on puisse manger à table, une spécificité locale… Comme la grande distribution, elle s’adapte à nos modes de vie.
Cette suprématie du fast-food a-t-elle des conséquences sur notre alimentation ?
Évidemment. Par exemple, McDo a grandement contribué à l’adoption du burger : c’est un plat français maintenant, il y en a partout, à toutes les sauces ! L’enseigne a aussi été fer de lance du système de chaîne américaine dans notre pays, elle a ouvert la marche. L’imprégnation est tellement forte qu’on n’a même plus conscience du modèle américain qu’il y a derrière. Côté santé, je ne suis pas expert. Je pense que ce n’est pas bon si vous y allez tous les jours, mais ce n’est quand même pas les mêmes portions qu’aux États-Unis.
Va-t-on vers une uniformisation, une standardisation du goût ?
Peut-être, en partie. Cette marque a en tout cas participé à la grande hybridation des palais en France. Mais elle n’est pas la seule responsable, il y a aussi les pizzas – on est le deuxième pays au monde consommateur de pizzas –, les sushis… Ça fait partie de la grande table française contemporaine, dont McDonald’s est un acteur majeur.
Infographie : Ouest-France. (1) Génération McDo : étude réalisée par l’Ifop pour la fondation Jean-Jaurès, auprès d’un échantillon représentatif de 1 503 personnes âgées de 18 à 35 ans, interrogées du 7 au 17 décembre 2021.