Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

Achetés dans les friperies ?

- Marion DUBOIS. M. D.

D’un coup d’oeil expert et avec dextérité, le jeune trieur suit le même protocole pour chacune : « Je regarde les manches, puis les boutons, le col. Je vérifie qu’il n’y ait pas de trous. Ni de taches. » Ses mains sont noircies par les kilomètres de textiles qu’il a palpés pour jauger la qualité de la matière. Et par la poussière. Seules les belles pièces passent par la case « pressing ».

« J’ai traversé les époques »

Derrière les monticules de fripes, Sandrine Legigan, 53 ans, prépare une commande pour la Réunion. La trieuse reconnaît avoir l’avantage « d’avoir traversé les époques et porté les habits » qu’elle doit désormais trier.

Pour savoir ce qui va plaire aux clients, la quinquagén­aire regarde beaucoup « Instagram et les magazines de mode ». Elle confirme le retour des années 2000 et des années 1980 (pantalons taille haute et sweat colorés) . En revanche, les coloris pastel n’ont plus la cote.

Les clients ont différente­s façons de s’approvisio­nner chez Jonathan Frip’s. Certains achètent des lots très précis : chemises manches courtes, salopettes, pull de Noël… « Certains achètent même à distance, sans venir voir la marchandis­e », avance Éric.

D’autres achètent pièce par pièce. Les propriétai­res de friperies fouillent alors dans les grands sacs triés. C’est ce qu’ils appellent dans le jargon du hand pick. Les fondateurs de Chineurs de sapes, Pierre Andrau et Mélanie Denis, sont venus de Rennes trouver des « articles streetwear : tee-shirts, chemisette­s, chemises Hawaï, polos… ». Ils se sont donné la journée pour traquer les fripes qu’ils pourront facilement revendre sur leur boutique en ligne ou sur des événements « vintage market », comme des brocantes. Les sweats achetés 8 € seront affichés à 40 €.

Les vendeurs de fripes ne sont pas les seuls à se déplacer jusqu’à Canteleu. Les costumiers de films comme Mesrine ou de séries comme Le Serpent connaissen­t l’adresse. De grandes marques de luxe viennent aussi chiner des pièces qu’elles customisen­t ensuite pour leurs collection­s… L’endroit est réservé aux profession­nels et requiert un minimum d’achats de 500 €. Qu’ils soient acheteurs comme Avner Sabban, revendeurs à la tête de friperies ou bien clients, tous ont le même papillonne­ment au coeur quand ils tombent sur une pépite. La nostalgie en prime.

Quel est le poids économique du marché de la seconde main en France ?

Il pèse 1 milliard d’euros, selon les estimation­s de l’Institut français de la mode. C’est un marché en croissance de 10 % par an. Même s’il représente encore peu par rapport aux 64 milliards de l’habillemen­t en France. Néanmoins, le site américain de friperie en ligne ThredUp prévoit que le marché de la seconde main dépasse, d’ici à 2030, celui de la fast fashion.

Combien de vêtements sont produits par an ?

En France, 600 000 tonnes de vêtements neufs sont mises sur le marché chaque année, dont seulement le tiers est recyclé. Selon l’Agence de l’environnem­ent et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), la production de vêtements a doublé entre 2000 et 2014. Pour autant, seulement 210 000 tonnes de textiles et chaussures usagés ont été collectées, dont 60 % en vue d’une réutilisat­ion.

Achetons plus de vêtements qu’avant ?

Oui, selon France nature environnem­ent, nous achetons 60 % de vêtements de plus qu’il y a quinze ans et les conservons deux fois moins longtemps. Cela représente 9,2 kg de textile et chaussures par an.

La fripe en ligne se développe-t-elle ?

Oui. L’occasion se consomme de plus en plus sur la toile et de particulie­r à particulie­r, à travers des sites ou des applicatio­ns comme Vinted, Vestiaire Collective, (spécialisé dans le haut de gamme) ou Leboncoin. Des spécialist­es de la fripe en ligne émergent aussi, comme CrushON, lancé en 2018.

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| PHOTO : MATHIEU PATTIER, OUEST-FRANCE Elisabeth prépare les vêtements qui approvisio­nneront les friperies Mad Vintages, qui appartienn­ent à Eugénie et Avner Sabban.
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| PHOTO : MATHIEU PATTIER, OUEST-FRANCE ir en un coup d’oeil les défauts mais aussi

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