Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

« Les friperies n’ont jamais disparu »

- Recueilli par M. D.

S’habiller dans une friperie, est-ce devenu à la mode ?

C’est un phénomène qui croît, mais ce n’est pas nouveau. Aujourd’hui, on ose dire que cela vient d’une friperie, on ne s’en cache plus. La friperie a toujours existé, avant on parlait des chiffonnie­rs. Les vêtements n’étaient pas jetés, ils étaient reprisés. Porter des vêtements usagés était synonyme de pauvreté, cela a disparu avec l’essor de l’industrie textile.

Les friperies avaient-elles disparu ? Non mais elles étaient moins visibles, à la marge. Désormais, elles réinvestis­sent les espaces fréquentés, dans l’espace marchand, avec des enseignes visibles. C’est une résurgence. Leur clientèle se diversifie, c’est ce qui participe à leur visibilité. Les jeunes ou les personnes désargenté­es ne sont plus les seules à s’habiller en friperie.

Comment l’expliquez-vous ?

Le facteur économique se combine au facteur social et culturel. Une partie du succès des friperies vient de la filière classique, qui a elle-même créé sa concurrenc­e. En clair, à cause du renouvelle­ment frénétique des collection­s dans les magasins, ce que l’on appelle la fast-fashion, les grandes enseignes, ont développé une conscience écologique chez les consommate­urs. Le principe consistant à créer du flux en attirant toujours plus les clients avec de nouvelles collection­s atteint ses limites. D’ailleurs, de grandes enseignes ouvrent des rayons ou des étages entiers aux produits d’occasion, comme le grand magasin Printemps, à Paris.

Pourquoi les fripes plaisent-elles ? Il y a toujours l’idée que ces vêtements sont moins chers que le produit neuf et qu’ils ont une plus-value sociocultu­relle. L’autre attrait, c’est le plaisir de la découverte. Contrairem­ent aux grands magasins standardis­és, dans les friperies c’est le plaisir de l’inconnu, de trouver une pièce différente. Le goût de la nostalgie est aussi de plus en plus important dans la projection d’achat.

Pourquoi le vintage a-t-il connu des périodes de désaffecti­on ? L’attrait était un peu moins important avant les années 2000, car les enseignes du neuf se sont beaucoup développée­s à cette période. Acheter d’occasion, c’était une marque de faiblesse économique et sociale. C’est moins le cas, même si le neuf demeure une garantie de reconnaiss­ance sociale pour une classe moins aisée. Le neuf a encore de la valeur pour des moments d’exception : mariages, cérémonies…

 ?? | PHOTO : DR ?? Nathalie Lemarchand, géographe et spécialist­e de la place du commerce dans la ville.
| PHOTO : DR Nathalie Lemarchand, géographe et spécialist­e de la place du commerce dans la ville.

Newspapers in French

Newspapers from France