Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)
L’écrivain, le gardien de phare et la réfugiée
Installé à Paimboeuf, l’ex-journaliste Daniel Morvan publie depuis plus de vingt ans. Sa dernière fiction littéraire, « La main de la reine » aurait pu être oubliée dans les profondeurs de sa messagerie.
Attention, une belle histoire peut en cacher une autre. La première, c’est celle imaginée par Daniel Morvan. Avant l’automatisation des phares, la rencontre entre un gardien, dernier témoin d’une longue époque, et une jeune réfugiée hollandaise au papa inconnu. On est sur la minuscule île Holly, au large de l’Ecosse. Un bout du monde pas loin de chez nous, où le café du village est le centre d’un petit microcosme touchant.
La seconde histoire, c’est celle du livre en lui-même. Ce qui est désormais un bel ouvrage aux éditions Le temps qu’il fait aurait pu devenir un manuscrit resté à jamais aux oubliettes. Ah, ce fichu monde numérique qui dicte son impitoyable loi... Et transforme certains courriels en maudits pourriels. C’est ce qui est arrivé à celui que Georges Monti a envoyé à Daniel Morvan, pour le féliciter de son oeuvre. « Je suis sous le charme de ce livre si bien mené, si inattendu, si rude et si tendre à la foi. »
Ce compliment est pourtant resté bloqué dans les spams pendant plus d’un an ! Daniel Morvan ne l’a découvert que lorsqu’il a proposé un autre manuscrit à l’éditeur. Il avait, depuis, tourné la page, presque sur un sentiment d’échec.
On est alors en 2020 et tout se précipite. « Cette maison, j’en rêvais », s’enthousiasme Daniel Morvan, même s’il a déjà eu le privilège de voir un précédent roman édité chez Zulma.
Normal sup’
Journaliste toute sa carrière à OuestFrance, Daniel Morvan, qui a pris sa retraite en 2017, a publié son premier livre en 2000, Lucia Antonia, Funambule. Un peu sur le tard… Mais pas du tout par hasard. L’aboutissement d’un long cheminement pour maîtriser au mieux les codes et les techniques
Annulées pour des raisons sanitaires, les Mascarades sont de retour ce week-end à Clisson, en Loire-Atlantique. Une soixantaine de passionnés masqués et costumés donnent à la de la littérature.
« J’ai toujours su que je serai un jour écrivain », raconte ce fils de paysan, qui a peut-être claqué la porte d’une carrière en hauts lieux. Diplômé de l’école normale supérieure, il choisit de bifurquer vers le journalisme, en entrant par la petite porte. Celle d’une rédaction à Morlaix. Dans son Finistère natal où ses parents ont trimé, s’exilant peu à peu vers l’intérieur des terres. « Devant la perspective d’une carrière universitaire, c’est l’antique injonction maternelle qui se fait entendre depuis l’outretombe, philosophe-t-il. Tu écriras. »
Des années durant, le localier enchaîne les déménagements, les rencontres et les aventures humaines qui font le sel du métier. Son premier « vrai » manuscrit est écrit à la faveur d’un accident de la vie. «Un arrêt de travail de plusieurs semaines. Seul moyen pour se libérer de l’agenda. »
A vrai dire, ses débuts d’écrivains datent de quelques années encore auparavant. «Une rédaction de collégien. Ado, j’avais écris une sorte de reportage sur le métier de mes parents. L’instit a marqué ses félicitations au tableau. Ma première publication ! »
Après le bac, la rencontre avec un prof d’hypokhâgne au lycée Chateaubriand, à Rennes, Pierre Campion, est une nouvelle étape décisive. S’ensuivent, pendant les études, des essais autour de la poésie, la participation à divers ateliers, l’entraînement à l’écriture, etc.
Le café de l’île perdue
La Main de la reine est le troisième ouvrage de ce que l’auteur voit comme un unique projet. Une histoire imaginée d’abord sous forme d’une pièce de théâtre. Pas étonnant pour ce huis clos, entre le phare et le café du village. On y regarde défiler des personnages qui ne se dévoilent pas aux premiers demis de bière, loin de là.
Le narrateur est un journaliste débarqué ici pour un simple article en vue d’un supplément. Il s’attarde sur le carnet du dernier gardien, Lucien. Un cahier de bord datant des années 1980, un temps complété par Saskia Meyer. Cette amitié avec la jeune réfugiée est-elle l’occasion, pour le vieil homme, de laver l’affront qui pèse sur son passé familial quasiment collaborationniste ? En feuilletant avidement les carnets, le journaliste s’immisce dans les secrets les plus profonds des habitants du caillou perdu.
Inspiré de Julien Gracq, Daniel Morvan
transporte le lecteur, avec poésie et tendresse, dans une époque à la fois révolue et toujours très actuelle par les sentiments qu’elle inspire. Installé à Paimboeuf (Loire-Atlantique), où il organise chaque année un festival, l’ex-journaliste enchaîne désormais les projets littéraires. A venir bientôt, un roman historique autour de la Résistance. Ainsi qu’un véritable défi technique : « 365 poèmes, écrits chaque jour de l’année, autour de mon histoire personnelle. »
Les années d’écriture sont encore loin d’avoir épongé sa soif. Celle de faire ressentir des émotions par sa plume affûtée.