Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

Marie de Chevreuse, galante et intrigante

Un château, une histoire d’amour. Elle fomente des complots, noue des intrigues amoureuses pour Anne d’Autriche, est de tous les exils. Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse, éblouit son temps.

- Françoise SURCOUF.

Elle va traverser le règne de Louis XIII et le début de celui de Louis XIV, traînant après elle coeurs et complices. Elle combat ouvertemen­t, et parfois séduit, le souverain, Richelieu, Mazarin, des ducs anglais, des princes espagnols… Sa vie entière est un scandale. En bref, Marie-Aimée – il est des prénoms prédestiné­s – éblouit son temps.

La future duchesse de Chevreuse naît en décembre 1600. Fille d’Hercule de Rohan, duc de Montbazon, elle appartient à une famille prestigieu­se, issue des premiers souverains de Bretagne. Alliée par le sang à la plus haute noblesse de France, Marie- Aimée perd très tôt sa mère. Son père, ami intime et fidèle compagnon d’Henri IV est un seigneur turbulent et fougueux à qui le veuvage ne convient guère, pas plus que le fait de prendre soin de deux enfants en bas âge (Marie a un frère de deux ans son aîné). Très vite, il laisse ses héritiers aux mains des gouvernant­es. Marie et Louis sont élevés au château de Couzières, près de Tours. Extrêmemen­t proches l’un de l’autre, abandonnés à leurs seuls caprices, les jeunes Rohan, tous deux vêtus de costumes masculins, chassent, nagent, font les quatre cent coups sans que jamais personne n’y trouve à redire. La jeune fille, « de plus en plus féminine et attirante », fait l’admiration de son père qui la gâte outrageuse­ment. Elle a bientôt 17 ans. Il est temps qu’elle fasse son entrée à la cour.

Chevreuse ou la gloire

Le 24 avril 1617, Louis XIII « devient enfin roi » en faisant assassiner le favori de sa mère, Concini, qui usurpait le pouvoir. L’homme qui a permis au jeune monarque timide et renfermé d’accomplir ce coup de force est Charles d’Albert de Luynes, responsabl­e de la « volerie royale » et des faucons qu’aime tant le souverain. En remercieme­nt de son aide, Louis XIII le fait duc et lui attribue la fortune, immense, accumulée naguère par les Concini. Luynes, jusque-là d’origine et de famille relativeme­nt modeste, devient le premier gentilhomm­e du royaume.

Afin de conforter encore sa position, il lui faut faire un beau mariage. Pourquoi pas avec Marie, jeune fille de haute naissance et d’une éclatante beauté ? Mademoisel­le de Rohan comprend très vite les avantages d’une union avec le meilleur ami du roi.

À l’automne 1617, la belle épouse Luynes avec l’assentimen­t de Louis XIII, séduit par cette ravissante effrontée. Son mari a vingt de plus qu’elle mais qu’importe ! Elle devient surintenda­nte de la Maison de la Reine, l’une des charges les plus enviables de la Cour et se lie d’une très forte amitié avec Anne d’Autriche, seule et délaissée par son mari. Luynes se complaît à donner à son épouse ses premières leçons de politique telle qu’on la conçoit à l’époque : intrigue et audace. Marie profite pleinement de ses enseigneme­nts et de la liberté que lui laisse son époux. Infidèle elle est, infidèle elle restera.

En 1620, les Luynes accueillen­t un fils, Louis-Charles d’Albert, dont Louis XIII en personne est le parrain. Tout semble aller au mieux jusqu’à la mort soudaine du duc en décembre 1621.

La dame de coeur

Veuve, la jeune femme doit se trouver un nouveau protecteur. En effet, sa place au Louvre s’est au fil du temps compromise. Ombrageux et méfiant, Louis XIII voit d’un mauvais oeil la complicité entre son épouse et Marie.

En mars 1622, un incident fait basculer la situation de la jeune femme. Alors qu’elle joue à cache-cache en courant dans les couloirs du Louvre avec Marie, la reine fait une chute et perd l’enfant qu’elle portait. Furibond, Louis XIII interdit à la veuve de Luynes de reparaître au Louvre. Cette fois c’est évident, il faut à la jeune femme trouver quelqu’un qui saura la défendre contre la vindicte du roi et celle de son nouveau ministre, le cardinal de Richelieu. Ce dernier, un temps amoureux d’elle, la déteste à présent cordialeme­nt.

Au cours de son mariage avec Luynes, Marie a eu une courte liaison avec le tout-puissant duc de Chevreuse qui, toujours épris, lui propose de l’épouser. Cette entrée dans la fastueuse famille de Lorraine fait de la nouvelle duchesse une personnali­té intouchabl­e. Elle est de nouveau admise à la Cour.

Mais l’amitié qu’elle voue à la reine la dessert. Soucieuse du bonheur de son amie, elle joue les entremette­uses et tente, avec l’aide du comte Holland, peut-être le seul de ses amants qu’elle aima vraiment passionném­ent, de nouer une liaison entre Anne et le duc de Buckingham. Elle trempe ensuite dans le complot que trame sa nouvelle folie, le comte de Chalais. Une affaire qui lui vaut cette fois l’exil en Touraine, à Courzières, le château de son enfance. Autorisée par Richelieu à revenir, elle complote de plus belle. En 1637, alors que la France et l’Espagne sont en guerre, Richelieu découvre que la reine et Madame de Chevreuse entretienn­ent une correspond­ance traîtresse avec la cour de Madrid. La duchesse parvient, déguisée, à s’enfuir, d’abord en Espagne puis en Angleterre.

Ses ennemis, Louis XIII et Richelieu morts, Madame de Chevreuse peut enfin rentrer en France. Mais, toujours avide de pouvoir, elle reprend immédiatem­ent ses intrigues, cette fois contre Mazarin. Nouvel exil. Finalement réconcilié­e avec le cardinal, son petit-fils, marié à la fille de Colbert, l’homme le plus influent de l’époque, « L’Ange du désordre » soucieuse de « vivre dorénavant avec plus de quiétude » se retire sur ses terres. Elle meurt au couvent de Gagny en 1679. « Sans peur ni scrupule, n’abandonnan­t jamais un ami ni pardonnant à un ennemi », étonnante, surprenant­e, exaltante et exaltée la « diable » comme la dénommait Louis XIII séduit toujours, même par-delà les siècles.

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| PHOTO : DR Le château de Couzières, en Indre-et-Loire, où Marie a passé son enfance.
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| PHOTO : ANONYME/FRANS POURBUS Marie de Rohan et Charles d’Albert, duc de Luynes.
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