Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)
The Smile a une bonne tête de Radiohead
Le disque de la semaine. Thom Yorke et Jonny Greenwood s’associent au batteur du groupe de jazz Sons of Kemet pour un disque étonnamment accueillant. Une belle surprise.
Cela fait bien longtemps, depuis Hail to the Thief (2003) pour être précis, que l’on avait rangé le dossier Radiohead au rayon des affaires classées. Avec OK Computer (1997), le groupe d’Oxford avait signé l’un des albums les plus marquants de la fin du XXe siècle. Avec Kid A, en 2000, il avait offert de nouvelles perspectives au rock.
Depuis, il s’était perdu dans des expérimentations que son leader Thom Yorke, à la voix de plus en plus geignarde, avait poussées très loin sur des albums solos et des projets annexes parfois crispants.
Un Thom Yorke très en voix
Radiohead avait ravivé notre intérêt, il y a six ans (déjà), avec un neuvième album, A Moon Shaped Pool, qui renouait avec le classicisme rock, sans renier des penchants aventureux.
Ceci posé, l’annonce, il y a plus d’un an, de The Smile, énième escapade de Thom Yorke, ici en compagnie de son vieux compère guitariste Jonny Greenwood et de Tom Skinner, batteur du groupe de jazz anglais Sons of Kemet, nous avait à peine fait lever un sourcil. À tort.
A Light For Attracting Attention sera encensé par les laudateurs de Radiohead, c’est excessif. Il sera vilipendé par les détracteurs de Thom Yorke, c’est injuste. Parce que justement le chanteur n’a pas été aussi en voix depuis un sacré bout de temps, retrouvant la rage de The Bends et la grâce de Ok Computer.
Ballades soyeuses et instants touchants
Loin d’être une mixture expérimentale indigeste, The Smile a, au contraire, une bonne tête de Radiohead. Aucun tube à l’horizon mais le fidèle producteur Nigel Godrich à la manoeuvre et un Thom Yorke qui exorcise ses obsessions : l’aliénation, les affres de la technologie, la solitude du monde moderne, climatique…
Musicalement, The Smile fait des oeillades au rock progressif, emprunte des rythmiques tortueuses mais se révèle aussi capable de ballades soyeuses, pleines de cordes, de montées électriques et électroniques et d’instants simples et touchants.
C’est certainement la plus belle réussite de The Smile. S’affranchir des frontières musicales sans se perdre le changement en route, se faire plaisir sans être égoïste ni vain, assouvir son ambition musicale tout en écrivant des chansons accessibles. Et si on tenait là l’album de Radiohead que l’on attendait depuis bien longtemps ?
A Light For Attracting Attention, XL Recordings/Beggars. 53 min, 13 titres. Sortie physique le 15 juin.