Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

« On n’a pas besoin de brillance pour être heureux »

Roland-Garros (22 mai - 5 juin). Un jour, un Tsonga (6/6). Après 18 années passées sur le circuit, Jo-Wilfried Tsonga, 37 ans, va refermer le livre de sa très riche carrière. Le Sarthois se confie.

- Recueilli par Christophe PENOIGNON.

Comment vous sentez-vous physiqueme­nt à l’abord de votre dernier tournoi ?

Je me sens de mieux en mieux. Je suis content car je vais arriver en forme sur ce Roland, sans blessure.

Avez-vous voulu vous libérer d’un poids en annonçant votre retraite à Roland-Garros ?

Je savais déjà depuis un moment que j’avais envie d’arrêter à Roland et je n’avais pas envie de l’annoncer trop tôt pour ne pas avoir à subir ce flot médiatique trop longtemps. C’était me libérer d’un poids, bien sûr. Je sais que je n’ai joué qu’une année pleine sur les 3, 4 dernières années, donc mon corps n’est plus adapté au tennis de haut niveau. C’était dur de jouer en ne gagnant plus, et qu’on dise « oh il n’est pas bon » et tout ça, alors que, dans ma tête, je savais que c’était les derniers rushs.

Vous avez joué deux demi-finales à Roland-Garros en 2013 et 2015. Symbolique­ment, c’était le lieu parfait pour arrêter ?

Roland-Garros est un tournoi qui aura marqué ma carrière, dès mon plus jeune âge puisque j’ai réalisé mes premiers stages nationaux là-bas quand j’avais 11, 12 ans. Parfois, je restais pendant un mois à Roland-Garros l’été. J’y ai joué les championna­ts de France de toutes les catégories d’âge, une demi-finale de Coupe Davis… J’ai eu des très bons résultats alors que la terre n’était pas ma spécialité.

« J’aimerais un match accroché, où je vais au bout de moi-même »

Qu’est-ce qui va vous manquer le plus dans la vie de tennisman ? Le jeu. Je suis foncièreme­nt accroché au jeu, au dépassemen­t de soi, à l’adversité, le rapport au public sur le terrain, le stress qui montait avant de rentrer sur le court, l’adrénaline au moment des points importants…

Vous n’avez aucun regret ?

Je me retire sereinemen­t parce que je suis un homme heureux. J’ai fait beaucoup de choses dans ma vie déjà pour mon « jeune âge ». Le tennis m’aura permis de rencontrer plein de gens chouettes, de découvrir plein de cultures, de pays, d’émotions fortes, dans le positif comme dans le négatif d’ailleurs. Je me sens comblé car j’ai ma petite famille, mes enfants qui sont en bonne santé. J’ai tout ce qu’il faut pour me sentir bien.

Ne pensez-vous pas qu’on sous-estime parfois votre carrière ? Ça m’est égal ça (rires). Je sais ce que j’ai accompli, ce par quoi je suis passé et la chance que j’ai. Au départ, on n’est pas à la recherche de ce truc-là. Quand on est jeune, on joue parce qu’on aime le jeu, gagner et on ne regarde pas plus loin. Ceux qui diront que c’était bien, j’en serai très heureux, et pour ceux qui diront que ce n’était pas assez, je ne pourrai pas revenir en arrière (rires).

Les gens qui vous connaissen­t décrivent un décalage entre le tennisman ambitieux et l’homme émotif et sentimenta­l…

C’est sûr qu’on se protège de certaines choses. Ma personnali­té est liée à mon éducation. Je considère que je ne suis pas né avec une cuillère en or dans la bouche. Tout ce que j’ai, j’ai dû aller le chercher à la sueur de mon front. J’ai travaillé dur, on ne m’a jamais rien donné, à part beaucoup d’amour.

Auriez-vous préféré vous retirer avec une relève plus installée au niveau du tennis français ?

Moi, j’ai fait ce que j’avais à faire. Pour la suite, je serai le premier ravi qu’il y ait un petit frenchie qui déchire tout et aille chercher ce titre du Grand Chelem que le tennis français attend. Je serai content de partager mon expérience pour faire en sorte qu’il y en ait un qui arrive à aller chercher ce que nous n’avons pas réussi à aller chercher. Un joueur qui ferait comme nous, ce ne serait pas intéressan­t (rires). Un joueur qui ferait mieux, ce serait mieux.

« Je ne suis pas né avec une cuillère en or dans la bouche, mais j’ai vécu une enfance dorée »

Que voudriez-vous dire aux Sarthois qui vous ont toujours suivi de loin ?

Je voudrais les remercier de ce soutien. Je suis originaire de Savignél’Évêque, une commune à une dizaine kilomètres du Mans. Je disais que je n’étais pas né avec une cuillère en or dans la bouche, mais j’ai vécu une enfance dorée. J’avais juste ce qu’il fallait pour être bien. J’allais à l’école à pied ou à vélo, j’avais plein de copains, on faisait du foot dehors, du vélo, on s’éclatait. Ce que je retiens de mes années sarthoises, c’est qu’on n’a pas besoin de brillance pour être heureux. On a juste besoin d’amis, de lien social, d’amour autour de soi, à manger dans l’assiette et un petit toit bien sûr (rires). Je me retrouve beaucoup dans la simplicité sarthoise et j’ai besoin d’y retourner quand je sens que c’est un peu trop dans ma vie profession­nelle.

Comment envisagez-vous la suite ? La suite va être cool ! Je vais quitter une partie du tennis que j’adore : la compétitio­n, l’entraîneme­nt. Mais en même temps, je quitte une partie du tennis que je n’aime pas : être dans des avions, des hôtels, tout ce qui peut être en lien avec le côté superficie­l de ce qu’on fait.

Vous allez pouvoir retourner à vos parties de pêches…

Je ne l’ai jamais quitté. J’ai commencé la pêche quand j’avais cinq ans dans la Sarthe. On allait pêcher dans la Sarthe d’ailleurs (sourire), dans l’Huisne, dans toutes les rivières avoisinant­es. Et ça, ça m’aura tenu pendant toute ma carrière. C’était important pour moi de revenir là-dedans pour juste souffler et me déconnecte­r de cette machine à laver qu’est le tennis.

 ?? | PHOTO : OUEST-FRANCE ?? Jo-Wilfried Tsonga, qui partira à la retraite à l’issue de cette édition de Roland-Garros, nous a reçus à Lyon et s’est confié une dernière fois à Ouest-France, dans la peau d’un joueur de tennis.
| PHOTO : OUEST-FRANCE Jo-Wilfried Tsonga, qui partira à la retraite à l’issue de cette édition de Roland-Garros, nous a reçus à Lyon et s’est confié une dernière fois à Ouest-France, dans la peau d’un joueur de tennis.
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