Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

À l’est, les Ukrainiens encaissent mais résistent

Dans le Donbass, à l’est du pays, les Russes lancent des attaques incessante­s car ils sont décidés à l’emporter à n’importe quel prix.

- Philippe LOBJOIS.

« Pour aller sur le front, c’est simple : c’est tout droit par l’autoroute », explique un militaire ukrainien, dans le hall de l’hôtel Astoria. « Mais il faudra vous arrêter avant Donetsk, la capitale des pro-Russes, hein », lâche-t-il, un rien grinçant.

À Dnipro, la grande ville sur le fleuve Dniepr, la guerre semble loin. Dans les rues de la troisième ville d’Ukraine, les marronnier­s sont en fleurs. Des jeunes mangent des glaces et un orchestre joue de la musique classique devant deux immenses galeries commercial­es.

Le front, c’est 200 km plus loin, à l’est, à deux heures et demie de route par l’autoroute M04. Par la fenêtre de la voiture, les paysages s’étalent, copies conformes de ceux de la Beauce. Au loin, trois éoliennes à l’arrêt attendent le vent.

Lyman aux mains des Russes

Puis, la route change. De chaque côté, des toitures en fibrocimen­t couvrent des maisons petites et laides. Apparaisse­nt les premiers terrils, le sol noir et les checkpoint­s ukrainiens. À Sloviansk, au Celentano, la seule pizzeria encore ouverte dans la ville, Youri Lelavskiy, un officier de presse de l’armée ukrainienn­e, explique que « c’est intense depuis trois jours ». Le capitaine souligne que « les Russes mettent énormément de pression sur le front. Il faut qu’ils exhibent une victoire à leur commandeme­nt. Ils commencent à apprendre de leurs fautes. Plus d’hélicoptèr­es dans le ciel, plus de colonnes, juste de l’artillerie. »

Puis, il désigne, sur la carte, un point plus au nord, à une vingtaine de kilomètres de Sloviansk : « Lyman est le nouveau point de fixation […]. Ils ont détruit 70 % de la ville. »

L’officier explique que l’artillerie russe travaille au « carré » : « C’est-à-dire qu’elle prend un carré sur la carte militaire et elle bombarde. Peu importe ce qu’il y a dedans. Quand elle a fini, elle désigne un autre carré, recommence et ainsi de suite. »

Dehors, la sirène résonne. Les radars ukrainiens ont repéré un « objet volant » entrant dans l’espace aérien. « On ne sait pas, explique le capitaine Lelavskiy. Cela peut être un bombardier russe, un missile de croisière ou autre chose… »

Dans la rue, les gens n’accélèrent pas. Dans le parc, en face de la pizzeria,

une maman et sa fille continuent de jouer sur un banc. À Sloviansk, la guerre a pris ses quartiers.

Le carrefour vers Lyman est situé à quelques encablures, à la sortie de la ville. À l’horizon, un panache de fumée s’élève dans le ciel, résultat d’un bombardeme­nt trop lointain pour que l’on entende le son.

Àun checkpoint, un soldat mal rasé explique que l’on ne peut pas aller plus loin. « Seuls les locaux peuvent passer à leurs risques et périls. » Le soldat, le regard tendu, semble exténué. « Dans un kilomètre, vous serez à portée de tir des Russes. C’est trop dangereux, je suis désolé. »

Demi-tour et direction Kramatorsk. En descendant vers Konstianty­nivka, Druzhkivka ou un peu en retrait vers la petite ville de Pokrovsk, plus au

sud, quelques rares hôtels proposent encore des chambres.

Jusqu’en 2016, Pokrovsk s’appelait Krasnoarmi­isk, « la ville de l’Armée rouge », avant d’être renommée lors de la décommunis­ation des villes ukrainienn­es.

Sur la place, des soldats sirotent le dernier café. Il est presque 19 h, l’heure du couvre-feu. Les lumières s’éteignent. Un calme paisible envahi la petite ville. Mais sur Twitter, la nouvelle est tombée. Les séparatist­es prorusses revendique­nt la prise de la ville de Lyman depuis vendredi. Deux autres villes plus à l’est, Sievierodo­netsk et Lyssytchan­sk, continuent de résister à l’inexorable encercleme­nt russe.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France