Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)
À l’est, les Ukrainiens encaissent mais résistent
Dans le Donbass, à l’est du pays, les Russes lancent des attaques incessantes car ils sont décidés à l’emporter à n’importe quel prix.
« Pour aller sur le front, c’est simple : c’est tout droit par l’autoroute », explique un militaire ukrainien, dans le hall de l’hôtel Astoria. « Mais il faudra vous arrêter avant Donetsk, la capitale des pro-Russes, hein », lâche-t-il, un rien grinçant.
À Dnipro, la grande ville sur le fleuve Dniepr, la guerre semble loin. Dans les rues de la troisième ville d’Ukraine, les marronniers sont en fleurs. Des jeunes mangent des glaces et un orchestre joue de la musique classique devant deux immenses galeries commerciales.
Le front, c’est 200 km plus loin, à l’est, à deux heures et demie de route par l’autoroute M04. Par la fenêtre de la voiture, les paysages s’étalent, copies conformes de ceux de la Beauce. Au loin, trois éoliennes à l’arrêt attendent le vent.
Lyman aux mains des Russes
Puis, la route change. De chaque côté, des toitures en fibrociment couvrent des maisons petites et laides. Apparaissent les premiers terrils, le sol noir et les checkpoints ukrainiens. À Sloviansk, au Celentano, la seule pizzeria encore ouverte dans la ville, Youri Lelavskiy, un officier de presse de l’armée ukrainienne, explique que « c’est intense depuis trois jours ». Le capitaine souligne que « les Russes mettent énormément de pression sur le front. Il faut qu’ils exhibent une victoire à leur commandement. Ils commencent à apprendre de leurs fautes. Plus d’hélicoptères dans le ciel, plus de colonnes, juste de l’artillerie. »
Puis, il désigne, sur la carte, un point plus au nord, à une vingtaine de kilomètres de Sloviansk : « Lyman est le nouveau point de fixation […]. Ils ont détruit 70 % de la ville. »
L’officier explique que l’artillerie russe travaille au « carré » : « C’est-à-dire qu’elle prend un carré sur la carte militaire et elle bombarde. Peu importe ce qu’il y a dedans. Quand elle a fini, elle désigne un autre carré, recommence et ainsi de suite. »
Dehors, la sirène résonne. Les radars ukrainiens ont repéré un « objet volant » entrant dans l’espace aérien. « On ne sait pas, explique le capitaine Lelavskiy. Cela peut être un bombardier russe, un missile de croisière ou autre chose… »
Dans la rue, les gens n’accélèrent pas. Dans le parc, en face de la pizzeria,
une maman et sa fille continuent de jouer sur un banc. À Sloviansk, la guerre a pris ses quartiers.
Le carrefour vers Lyman est situé à quelques encablures, à la sortie de la ville. À l’horizon, un panache de fumée s’élève dans le ciel, résultat d’un bombardement trop lointain pour que l’on entende le son.
Àun checkpoint, un soldat mal rasé explique que l’on ne peut pas aller plus loin. « Seuls les locaux peuvent passer à leurs risques et périls. » Le soldat, le regard tendu, semble exténué. « Dans un kilomètre, vous serez à portée de tir des Russes. C’est trop dangereux, je suis désolé. »
Demi-tour et direction Kramatorsk. En descendant vers Konstiantynivka, Druzhkivka ou un peu en retrait vers la petite ville de Pokrovsk, plus au
sud, quelques rares hôtels proposent encore des chambres.
Jusqu’en 2016, Pokrovsk s’appelait Krasnoarmiisk, « la ville de l’Armée rouge », avant d’être renommée lors de la décommunisation des villes ukrainiennes.
Sur la place, des soldats sirotent le dernier café. Il est presque 19 h, l’heure du couvre-feu. Les lumières s’éteignent. Un calme paisible envahi la petite ville. Mais sur Twitter, la nouvelle est tombée. Les séparatistes prorusses revendiquent la prise de la ville de Lyman depuis vendredi. Deux autres villes plus à l’est, Sievierodonetsk et Lyssytchansk, continuent de résister à l’inexorable encerclement russe.