Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

Familles recomposée­s : « J’avais

Ils sont beaux-pères, belles-mères. Tous se rappellent leur première rencontre avec leurs beaux-enfants. Ils racontent les liens qu’ils ont ensuite tissés – ou pas – avec eux.

- Dossier : Audrey GUILLER.

« Je ne m’étais jamais projeté dans une famille recomposée, raconte Romain, 34 ans. Je savais juste que je m’entendais très bien avec cette femme que j’avais rencontrée un mois avant. Que j’étais prêt à découvrir ses trois enfants de 7, 9 et 16 ans. Et que si ça ne me plaisait pas, il faudrait arrêter tout de suite. » La première rencontre a eu lieu dans un fast-food. « Je m’étais dit : si les enfants sont impolis ou font n’importe quoi, je ne dis rien. Je ne suis pas leur père. Moi, je dois être à l’écoute et rassurant. La grande s’est beaucoup confiée. Les plus jeunes semblaient contents de voir leur mère heureuse avec moi. »

Béa, 50 ans, a deux beaux-enfants de 32 et 23 ans. Elle a vu sa belle-fille pour la première fois il y a quinze ans, « à la répétition d’un spectacle où nous dansions par hasard toutes les deux ». Un an après, elle a rencontré officielle­ment ses beaux-enfants à la crêperie : « J’avais 36 ans et une fille du même âge que le cadet. J’étais tellement contente de les rencontrer. Ils m’ont accueillie et m’ont laissé la place pour m’épanouir comme belle-mère. »

« Ce n’est pas bizarre que tu dormes chez son ex ? »

Depuis trois ans, Colette, Parisienne de 41 ans, est belle-mère de deux filles de 9 et 12 ans. Le jour où elle les a rencontrée­s, son conjoint, Népalais, n’avait pas vu ses filles depuis deux ans à cause du Covid. « J’avais hâte de les connaître ! Et très peur car c’est un engagement. C’est aussi une étape de la vie du jeune couple : on acte qu’on veut continuer. J’ai demandé à mon conjoint : qu’est-ce que je peux faire pour qu’elles m’aiment ? Il m’a répondu : être toi. »

La première rencontre entre Colette et ses deux belles-filles a eu lieu chez leur mère, en Bretagne. « Mes copines m’ont dit : ce n’est pas bizarre que tu dormes chez l’ex de ton chéri ? En plus, mon conjoint a dormi avec ses filles, parce qu’ils allaient parler toute la nuit. Leur maman et moi avons chacune dormi seule dans une chambre. J’ai mal dormi. Je me suis demandé : est-ce qu’on fait tout de travers ? Et puis les filles sont venues me réveiller gentiment. Et j’ai beaucoup parlé avec la maman. J’ai senti qu’on avait tous envie que ça se passe bien. »

Éric, la cinquantai­ne, a rencontré sa belle-fille (la fille de Béa) à l’entrée d’un cinéma, il y a quinze ans : « Nous sommes allés directemen­t voir la séance. Nous ne voulions pas précipiter les choses. Je n’avais pas peur, mais je voulais prendre beaucoup de précaution­s pour ne pas bousculer nos enfants respectifs, pour les protéger. »

Les jours suivants

Après leur première rencontre, Romain et ses trois beaux-enfants se sont beaucoup vus à l’extérieur, dans des lieux neutres : « On s’est apprivoisé­s en faisant des activités ensemble, du jonglage, des jeux de société, des câlins pour les deux petits. »

Éric et ses deux enfants ont créé leur famille recomposée très progressiv­ement avec Béa et sa fille : « Nous avons attendu plus d’un an avant d’habiter ensemble, raconte Éric. Béa m’a aidé à gérer l’attente. J’étais plutôt impatient alors qu’il ne fallait pas brusquer les choses. » « On a fait passer les enfants en premier, constate Béa. Et on a chacun privilégié la relation avec nos propres enfants. » Éric confirme : « J’ai mis beaucoup de temps à prendre une place auprès de ma belle-fille. J’ai beaucoup protégé mes enfants. Je voulais leur faire sentir mon amour. J’avais tendance à considérer que j’étais un mauvais père, à culpabilis­er. Alors j’ai pu parfois être exclusif, au détriment de ma bellefille. »

Béa, elle, a cherché sa place auprès des enfants d’Éric. « Je suis très spontanée, câline, tactile. Eux n’ont pas été élevés comme ça. J’ai longtemps eu peur d’être envahissan­te. Ce n’était pas simple non plus de me retenir de les éduquer selon mes propres points de vue. »

Vivre ensemble, pas toujours simple

A posteriori, Romain juge trop précoce le mois entier qu’il a ensuite passé chez sa nouvelle amoureuse et ses trois enfants : « Les enfants m’ont un peu subi. J’étais dans leur espace. Leur mère et moi étions tout feu tout flamme, on avait envie d’intimité, on était très tactiles. Ça les a choqués. Et le jour où j’ai osé répéter à l’aîné la consigne de sa mère d’aller prendre sa douche, ça a été la goutte de trop. J’ai ensuite veillé à me faire plus discret. » Envers lui ou envers son petit frère à naître, sa belle-fille a pu avoir des mots durs, de rejet : « J’ai compris que ces mots la protégeaie­nt. Car cela ne l’empêchait pas, dans les faits, de construire notre relation. »

Après avoir beaucoup vu ses deux belles-filles dans la maison de leur maman, Colette les a accueillie­s chez elle pour un été dans son appartemen­t parisien : « Mon conjoint a tout de suite cadré les choses. Il a expliqué qu’ici, lui et moi on avait une vie, une chambre, une intimité de couple, qu’elles devaient respecter. J’avais trouvé ça un peu dur pour elles. Mais je crois que ça nous a toutes rassurées, qu’il prenne la responsabi­lité de poser des mots, des règles claires. »

« Ces enfants ne te doivent rien »

Pour créer un lien avec ses beauxenfan­ts de 5 et 10 ans, Iris, alors âgée de 21 ans (42 ans aujourd’hui), a pris le parti de beaucoup s’occuper d’eux. « J’estimais que ces enfants méritaient ça, ils n’avaient pas voulu la séparation de leurs parents, je ne voulais pas qu’ils soient tristes. Et puis ce surinvesti­ssement me donnait une place, me rachetait : je n’étais pas qu’une méchante marâtre. Mais du coup, quand tu t’engages et que tu t’impliques beaucoup, tu attends inconsciem­ment un retour, un merci. Je me suis régulièrem­ent sentie amère et frustrée de ne pas l’obtenir. »

« Or ces enfants ne te doivent rien. Pire ! Eux sont tiraillés entre vouloir t’aimer et le symbole que tu représente­s : celui de la destructio­n de leur famille à eux. Je ne leur ai jamais dit que j’étais désolée qu’ils soient seuls face à ce dilemme. Parce que je m’en sentais coupable. »

Une oreille, une épaule, un confident

Aujourd’hui, Romain vit au quotidien avec ses trois beaux-enfants et le fils qu’il a eu avec sa femme : « Je ne suis pas là pour éduquer mes beauxenfan­ts. Je leur propose mon aide pour les devoirs, mais s’ils ne les font pas, ça ne me regarde pas. » Il se considère plutôt comme une oreille, une épaule, un confident pour eux : « Je ne serai jamais leur père, mais je serai toujours là pour les aider. »

Quand Colette est en France et son conjoint au Népal, elle passe ponctuelle­ment du temps avec ses deux belles-filles en Bretagne : « J’ai envie de partager des choses avec elles, de contribuer à leur éducation, d’être un lien, une facilitatr­ice entre leur père et elles. De leur côté, elles me montrent ce que c’est une vie de maman, moi qui suis parfois une grande enfant. Je les aime, j’aime leur mère. Quand on a tous et toutes dépassé nos peurs d’êtres exclus, on s’est autorisés à créer différents types de lien dans cette famille, c’est chouette. »

 ?? ?? Romain, Béa, Colette… Ils racontent la première re
Romain, Béa, Colette… Ils racontent la première re
 ?? | PHOTO : GETTY IMAGES / ISTOCKPHOT­O ?? (Photo d’illustrati­on)
| PHOTO : GETTY IMAGES / ISTOCKPHOT­O (Photo d’illustrati­on)
 ?? | PHOTO : GETTY IMAGES/ISTOCKPHOT­O ?? (Photo d’illustrati­on)
| PHOTO : GETTY IMAGES/ISTOCKPHOT­O (Photo d’illustrati­on)
 ?? | PHOTO : GETTY IMAGES/ISTOCKPHOT­O ?? (Photo d’illustrati­on)
| PHOTO : GETTY IMAGES/ISTOCKPHOT­O (Photo d’illustrati­on)
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France