Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

« Me recueillir sur la tombe de ma soeur m’apaise »

Le 27 mars 2023, Karine Esquivillo­n a été tuée par Michel Pialle, son mari et ex-conjoint, dans leur maison de Maché (Vendée). Sa soeur, Adélaïde Esquivillo­n, a accepté de revenir sur cette douloureus­e épreuve.

- Sacha MARTINEZ.

« Elle me manque tellement, si vous saviez ! J’essaie de surmonter cette épreuve, mais je crois que je n’y arriverai jamais. » Quand il s’agit d’évoquer sa soeur, Adélaïde Esquivillo­n pèse chaque mot qu’elle emploie. Il y a un an, le 27 mars 2023, Karine Esquivillo­n était tuée chez elle, à Maché (Vendée), par son mari et ex-conjoint, Michel Pialle, d’un coup de fusil.

Après trois mois de mensonges et de manipulati­ons, le père de famille a fini par craquer en garde à vue. Il a avoué avoir tué sa femme d’un tir « accidentel » alors qu’il « nettoyait une carabine ». Il a conduit les gendarmes au corps de Karine, avant d’être mis en examen et placé en détention provisoire le 16 juin 2023.

« La nuit de garde à vue, j’étais épuisée. Je sentais qu’on allait savoir quelque chose de terrible. » Dans un premier temps, Michel Pialle avait fait croire à ses proches que Karine était partie du jour au lendemain, faux texto à l’appui. « Je me suis endormie vers 4 h du matin. Quand je me suis réveillée, j’ai tout de suite attrapé mon téléphone. »

Sans voir le corps, un deuil encore plus douloureux

Sur l’écran, des dizaines de numéros s’affichent en rouge. « À ce momentlà, mon fils m’appelle et me dit : maman, t’allumes pas la télé. J’arrive. » Quelques secondes plus tard, c’est le grand fils de Karine, Thomas, qui lui apprend la nouvelle. « On a retrouvé le corps de maman. » Adélaïde s’effondre. « Là, c’est le chaos. L’indicible. Une douleur incommensu­rable. »

Durant quelques jours, la famille se réunit. Elle se mobilise pour aider les deux jeunes enfants de Karine Esquivillo­n et partager des souvenirs. « J’ai retrouvé la dernière photo qu’on a prise ensemble. C’était en 2014, à La Malnoue. Il y a Karine, les enfants et le monstre. »

Après les souvenirs vient le temps de la cérémonie funéraire et du deuil. « On a attendu qu’on nous remette le corps, puis on a appris qu’on ne pourrait pas le voir, pas l’incinérer comme elle le souhaitait. C’était un moment assez difficile. »

La famille sort ébranlée de cette épreuve. Les relations se distendent. « Je viens régulièrem­ent à Maché pour la voir. À la Toussaint, j’étais là tous les jours. Me recueillir sur sa tombe m’apaise. » Mais Adélaïde Esquivillo­n ne peut s’empêcher de se refaire le film.

« Michel Pialle, c’est l’hostilité déguisée. Depuis le début, il crée des problèmes dans la famille. On avait déposé plainte quand il avait volé des chèques de 5 000 € à notre

grand-mère. Mais à la fin, on a retiré la plainte. La famille s’est divisée en deux. Ceux qui se taisaient et ceux qui parlaient. Peut-être que si on avait fait les choses autrement, on aurait pu se débarrasse­r de lui plus tôt », analyse-t-elle avec du recul.

« Quand j’entends parler de féminicide, ça me glace »

Car ensuite, Karine Esquivllon s’est enfermée dans sa relation avec son époux. « Je l’appelais la tour de contrôle. Rien ne lui échappait. Et toute la famille devait suivre ses règles. Jamais ma soeur n’a pu venir chez moi. Il était dans la toute-puissance. Et il a fini par la tuer. »

De l’enquête en cours, elle attend des réponses. « Je suis patiente.

Mieux vaut qu’il y ait un maximum de choses pour le procès. J’espère qu’il ne refoutra pas un pied dehors. » En attendant, elle s’appuie sur ses proches, les enfants de Karine notamment. « Ils sont tellement forts. On doit aussi l’être pour eux. »

Il y a quelques mois, un événement a pourtant fait replonger la soeur de Karine dans l’effroi. À deux kilomètres de chez elle, un homme a donné la mort à sa femme et ses quatre enfants, à Meaux. « Chaque fois que j’entends parler d’un autre féminicide, ça me glace le sang. Pour les enfants, orphelins, c’est un drame dans le drame. Quand on a été touché dans sa chair par cette violence, elle ne nous quitte plus. »

 ?? | PHOTO : FOURNIE PAR ADÉLAÏDE ESQUIVILLO­N ?? Karine Esquivillo­n (à gauche) et sa soeur Adélaïde ne s’étaient pas revues physiqueme­nt depuis 2014, à Maché, en Vendée.
| PHOTO : FOURNIE PAR ADÉLAÏDE ESQUIVILLO­N Karine Esquivillo­n (à gauche) et sa soeur Adélaïde ne s’étaient pas revues physiqueme­nt depuis 2014, à Maché, en Vendée.

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