Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)
Parents et profs jouent l’union sacrée pour l’école
Près de 1 500 enseignants, parents, enfants ont défilé à Nantes, hier, contre la création des groupes de niveau au collège. Sixième jour de mobilisation.
En attendant la chasse aux oeufs, ils sont partis à la pêche aux nouvelles voix pour gonfler les rangs de la protestation. Éperonner des parents pas mobilisés contre cette réforme du « choc des savoirs », voulue par le Premier ministre.
« Réforme de tocard », ripostent enfants et adultes. Au coeur de la colère des profs et des parents, cette mesure qui prévoit, dès la rentrée prochaine, des classes de niveau en français et en mathématiques au collège. « On trie les déchets, pas les enfants », lit-on sur une pancarte.
« Ce n’est que le début »
Pour ce sixième jour de mobilisation, le rang des manifestants s’est sans doute un peu rétréci. Mais ils relèvent tout de même le défi d’être près de 1 500 personnes en ce début de week-end de Pâques. Des profs, mais aussi de nombreux parents, pas découragés face au gouvernement qui, depuis le début de la protestation, ne fléchit pas.
« Ce n’est que le début », insistent Lamia et Rahma, deux mères de famille, dont les enfants fréquentent l’école nantaise des Agenets. Une première mobilisation pour Rahma, aide à domicile, qui a déjà posé plusieurs jours de congé pour s’occuper des enfants, les jours de grève, où l’école a fermé. « Mais on reste derrière les enseignants. Cette mesure, c’est pas possible ».
« Ma fille est Dys, elle ira où ?, s’inquiète Estelle Campanaud. Si c’est la galère, est-ce que je serai obligée d’aller dans le privé, alors que je crois dans l’école publique. »
Parents, profs, unis dans la colère : c’est sans doute la singularité de ce mouvement. « C’est inédit, appuie Céline Pella, prof de maths à SainteLuce et cosecrétaire FSU 44. Des réformes, on en a connu d’autres, mais celle-ci est au-dessus, elle touche à nos valeurs. » Dans les rangs et sur les pancartes, on brandit son attachement à la mixité, à la citoyenneté, à l’entraide, à son refus de discriminer.
« Collèges morts, ils n’étaient que trois élèves »
« La mobilisation s’étend, le nombre de collèges grossit. Il faut que les parents nous rejoignent, estime Céline Pella. Notre groupe WhatsApp,
qui réunissait au début 40 personnes, atteint les 1 400. On est obligé de changer de réseau social pour absorber l’augmentation. »
Jeudi, l’opération collèges morts a été plutôt suivie et même massivement dans certains établissements. « Au collège Allende de Rezé, ils n’étaient que trois élèves », rapporte un parent.
Aux abords du marché de la Petite Hollande, les manifestants interpellent les chalands, offrent un tract à des familles qui n’ont pas forcément
entendu parler du choc des savoirs.
Issa, lui fait le job. À 9 ans, une pile de « Ne triez pas nos enfants » dans les mains, il s’adresse aux passants. « C’est mieux d’être tous ensemble dans la classe, on peut s’aider. » L’apprenti contestataire ne se souvient plus de ses premières manifs quand il était tout petit, mais il n’oubliera sans doute pas le nom du Premier ministre, Gabriel Attal, tant brocardé hier.