Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)
Daisy, le robot qui engloutit les anciens iPhone
Son nom ? Daisy. Taille de la bête ? Dix mètres de long par cinq de large. Capacité ? Quelque 1,2 million de vieux iPhone désossés par an. Objectif ? En extraire un maximum de composants, jusqu’aux métaux les plus précieux.
Voilà qui a de quoi susciter notre curiosité. Mais pour rencontrer ce « concentré de technologie » d’Apple, géant américain du numérique, il faut s’armer de patience. Une fois le rendez-vous calé, direction Breda, dans le sud des Pays-Bas. Il faut encore passer une série de contrôles de sécurité avant de revêtir une chasuble, accompagnée d’un badge « visiteur ». Rien que ça !
C’est dans son site industriel néerlandais, derrière de hauts murs en tôle blanche, que la marque à la pomme cache son robot ultrasophistiqué. Daisy, « Marguerite » en anglais, un nom délicat pour une machine qui ne fait qu’une bouchée des iPhone, tous modèles confondus, de la version 5 à 14. Le fruit de dix années de recherche, pour soutenir la « stratégie verte » d’Apple, avec l’objectif (très) ambitieux d’être « neutre en carbone pour tous ses produits d’ici à 2030 ».
18 secondes par téléphone
Avant même de voir l’engin, on l’entend. Un bruit sourd et continu, qui oblige à élever la voix pour parler. Et quand on l’a enfin en face de soi, Daisy en impose avec sa structure vitrée, abritant un labyrinthe de câbles multicolores et de pinces métalliques.
Le nez collé contre la vitre, on observe avec satisfaction les téléphones usagés se faire torturer les uns après les autres, en seulement 18 secondes par appareil. Ils commencent par être scannés pour être reconnus. Aussitôt, leur écran est scalpé et leur batterie expulsée grâce à un jet d’air à - 80 °C, puis une armée de bras robotisés entre dans la danse pour retirer et séparer les composants électroniques, avec une précision chirurgicale.
Le précieux butin, qui ressort de cette épreuve en pièces détachées, est ensuite acheminé sur un tapis roulant, pour qu’un employé en blouse blanche le répartisse par catégories. « Les techniques traditionnelles de recyclage ne sont pas optimales pour les smartphones, explique l’un des ingénieurs. Avec Daisy ,on est capable de récupérer proprement une quinzaine de métaux. » Chaque élément part ensuite dans le circuit de production, notamment chez des sous-traitants spécialisés, afin de fabriquer de nouveaux appareils.
Le progrès à l’épreuve de l’écologie
Daisy est un élément clé de la stratégie globale d’Apple, engagée il y a quelques années pour réduire son impact environnemental. Alors, oui, heureusement que les principaux pollueurs du secteur mettent en place des solutions. Et bien évidemment, ce robot sert l’image et les intérêts de la marque. Mais Apple a le mérite de proposer une innovation concrète, poussée et efficiente. Malgré tout, 1,2 million d’iPhone recyclés par Daisy, c’est encore faible par rapport aux plus de 200 millions vendus chaque année. « Ce n’est que le début, on peut aller plus loin, répond Frank Lenderink, le directeur des initiatives environnementales du groupe. On veut vraiment inciter les gens à rapporter leurs téléphones dans nos points de vente. » La firme californienne nourrit même l’espoir, peut-être utopique, de pouvoir un jour « s’affranchir des ressources minières ».
Mais la solution ne serait-elle pas d’arrêter de produire sans cesse de nouveaux appareils ? « Le progrès, l’innovation, doivent être compatibles avec l’écologie, argumente Frank Lenderink. Nous travaillons aussi sur la longévité de nos produits, l’impact de nos sites de production… C’est une transformation globale qu’on veut impulser dans le secteur. » Pour cela, l’entreprise propose de partager gratuitement son invention, sous licence, avec ses consoeurs de la tech.