Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

Le labo Arc’Antique donne des ailes aux historiens

À l’occcasion du 80e anniversai­re du Débarqueme­nt, l’exposition « Mémoire des airs » met en lumière, à Nantes, la façon dont science et archéologi­e retracent l’histoire d’aviateurs à partir de vestiges.

- Roberte JOURDON.

Tout a commencé en 1988 quand des pêcheurs de Binic (Côtesd’Armor) remontent dans leurs filets un morceau de métal long de quatre mètres. C’est un bout d’aile d’avion, attaqué par la corrosion. Ils le remettent à une associatio­n locale qui se passionne pour son histoire. En 2020, elle confie le vestige au laboratoir­e Arc’Antique – Grand Patrimoine de Loire-Atlantique, à Nantes : son expertise dans la conservati­on et la recherche sur le patrimoine archéologi­que terrestre et sous-marin est mondialeme­nt reconnue. Les scientifiq­ues mettent en place un protocole pour stopper la corrosion et stabiliser la face de l’aile. Le dessous est nettoyé et laissé en l’état.

« Il s’agit d’un bord d’attaque, autrement dit la partie avant de l’aile d’un Spitfire de la Royal Air Force (RAF), en duralumin, un alliage à base d’aluminium qui vieillit très mal, surtout dans l’eau de mer, expose Jane Echinard, responsabl­e d’Arc’Antique. Quand on nous l’a confié, on n’imaginait pas que cela allait être le début d’une aventure à l’échelle européenne : le projet triennal Procraft pour la sauvegarde du patrimoine en aluminium de la Seconde Guerre mondiale. »

L’équipe d’Arc’Antique décrypte l’inscriptio­n de chiffres sur l’aile, ce qui permet d’identifier la mission à laquelle participai­t l’avion quand il s’est crashé. « On a pu retrouver son histoire : le 1er juin 1944, l’escadron 131 de quatre Spitfire a décollé de la base de la RAF en direction de Saint-Brieuc et a ciblé un train. Mais un avion a été touché par l’artillerie antiaérien­ne nazie et a sombré en mer. Il était piloté par William James Atkin. »

La perspectiv­e du 80e anniversai­re du Débarqueme­nt et de la Libération donne à l’équipe d’Arc’Antique l’idée de faire connaître au grand public cet aspect particulie­r de leur travail scientifiq­ue sur la Seconde Guerre mondiale. La rencontre aux Archives départemen­tales de Loire-Atlantique avec Philippe Charon, directeur, et Clothilde

Gautier-Courtaugis, est déterminan­te. Ils sont partants pour monter une expo dans leurs locaux. Eux se chargent de l’aspect documentai­re avec photos, cartes et films pour situer le contexte des combats aériens et des bombardeme­nts alliés. Ainsi naît Mémoire des airs, quand l’archéologi­e et les sciences éclairent le passé.

Trois fragments de l’avion de Saint-Exupéry

L’aile du Spitfire est présentée en bonne place avec d’autres vestiges comme l’hélice d’un bombardier trouvée au large de Fécamp en 2016, prêté par le Drassm (Départemen­t des recherches archéologi­ques subaquatiq­ues et sous-marines) à Arc’Antique. « Cette hélice très corrodée nous a permis de réaliser de nombreux tests sur les revêtement­s de protection. Il y a aussi un container qui a servi lors de parachutag­e d’armes ou de pigeons, trouvé près de Châteaubri­ant et… des vestiges de l’avion de Saint-Exupéry », précise Jane Echinard.

De façon exceptionn­elle sont présentés trois fragments de l’épave du Lightning P38, identifié en 2003 comme étant bien l’avion d’Antoine de Saint-Exupéry, tombé lors d’une mission de reconnaiss­ance en Méditerran­ée, au large de Marseille. « Le musée de l’air du Bourget, qui la garde dans ses réserves, a confié ces trois fragments à Arc’Antique pour en assurer la préservati­on. Nous avons défini un protocole qui, s’il est validé, sera appliqué à l’ensemble de l’épave », dévoile Jane Echinard.

L’exposition met aussi en lumière le rôle de résistante­s du réseau MarieOdile, qui exfiltraie­nt des pilotes alliés. Il avait été créé à Nancy par

Pauline Barré de Saint-Venant et avait une section en Loire Inférieure, l’actuelle Loire-Atlantique. « Il comprenait une majorité de femmes, dont Marie Airiau, Julienne Riou ou Anne Ledu, comme le montrent des documents des Archives départemen­tales. Elles cachaient des armes, hébergeaie­nt des aviateurs et les aidaient à regagner l’Angleterre, explique Philippe Charon. L’expo présente aussi Jean Demozay, aviateur nantais formé par la Royal Air Force, et troisième As français. »

Jusqu’au dimanche 30 juin, aux Archives départemen­tales 6, rue Bouillé, à Nantes.

Contact. tél. 02 51 72 93 20. Entrée libre.

 ?? | PHOTO : OUEST-FRANCE ?? Le morceau d'aile du Spitfire restauré par le labo Arc'Antique et présenté dans l'expo Mémoire des airs aux Archives Départemen­tales par Philippe Charon, Jane Echilard, Clothilde Gautier-Courtaugis, Dominique Poirout.
| PHOTO : OUEST-FRANCE Le morceau d'aile du Spitfire restauré par le labo Arc'Antique et présenté dans l'expo Mémoire des airs aux Archives Départemen­tales par Philippe Charon, Jane Echilard, Clothilde Gautier-Courtaugis, Dominique Poirout.
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| PHOTO : OUEST-FRANCE Dans l’expo Mémoire des airs, aux Archives départemen­tales de Loire-Atlantique, est présentée l’hélice corrodée qui a permis à Arc’Antique de réaliser de nombreux tests sur les revêtement­s de protection.
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| PHOTO : OUEST-FRANCE Dans cette vitrine, les trois fragments de l'épave de l'avion d'Antoine de Saint-Exupéry, confié à Arc'Antique.

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