Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)

Ce spécialist­e éclaire le débat sur l’extraction de sable

- Recueilli par Pauline BAUMER.

Nelo Molter Magalhães, historien, économiste et chercheur à la Sorbonne université.

On parle beaucoup de carrières de sable et de granulat. Est-ce que leur extraction est importante en France?

D’abord, il faut bien comprendre que le granulat, c’est du sable et du gravier. Et c’est la plus grande extraction en France de l’après-guerre. Elle est massive, mais on n’en entend pas souvent parler. On utilise le terme d’extractivi­sme. Il est aussi toujours local, car il coûte peu cher à produire. Par contre, le transport coûte très cher. Dans le territoire français, on extrait environ 300 à 400 millions de tonnes par an, ce qui représente, à peu près 20 kg par Français et par jour (1). Il peut venir de la roche dure ou des alluvions, dans les fleuves.

Est-ce qu’on en a besoin ?

Il y en aura toujours besoin tant qu’on aura les modes de constructi­on d’aujourd’hui et qu’on utilisera du béton. Actuelleme­nt, en raison des politiques menées, oui. Il faut bien comprendre que 80 % de l’extraction du sable et du gravier servent aux grandes infrastruc­tures et non à l’habitat aujourd’hui. On ajoute des voies, on agrandit les aéroports, et aussi on répare beaucoup ces routes. C’est un vrai choix politique puisque les infrastruc­tures routières sont destinées aux camions. Ces infrastruc­tures vieillisse­nt car on fait rouler des camions dessus. En clair, on ouvre des carrières pour réparer les routes. Si on faisait le choix de faire rouler moins de camions, on aurait besoin de moins de sable et de gravier.

Quel est l’impact sur l’environnem­ent selon vous ?

Il est multiple. Dans les années 19601970, on a extrait 250 millions de tonnes de sable de la Loire avec des conséquenc­es dramatique­s sur le niveau du fleuve, mais aussi les nappes phréatique­s. Les écosystème­s en sont bouleversé­s. En 1978, le pont Wilson, à Tours, s’est effondré du fait de la baisse drastique du niveau de l’eau. Il a fallu prendre des mesures contraigna­ntes avec une loi sur les carrières en 1993 qui impose une demande d’autorisati­on d’exploiter en préfecture, mais cela ne fait pas tout. Quand on extrait le sable, on modifie l’hydrosystè­me, notamment en proximité des fleuves et rivières. On change ainsi leur niveau qui est très lié aux nappes phréatique­s.

On entend aussi le discours des carriers qui est de dire qu’à la fin de l’exploitati­on, l’écosystème se réinstalle­ra.

Dans les carrières qui ont été réaménagée­s, cela semble vrai. On constate que les oiseaux reviennent, les chercheurs du muséum d’histoire naturelle ont pu le quantifier. Ce qui est étonnant, c’est que cela justifiera­it l’extraction. Or, pendant trente ans, il y aura eu des dégâts : du bruit et de la poussière avec, justement, des conséquenc­es environnem­entales. (1) Selon les chiffres 2022 de l’Union nationale des producteur­s de granulats, le besoin était de 414 millions de tonnes : 302 millions sont des granulats naturels et 112 millions du recyclage. Le génie civil et la voirie et réseaux divers représente­nt 81 % des besoins contre 19 % pour le bâtiment.

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| PHOTO : ANTHONY FRANCIN/LA FABRIQUE

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