Dimanche Ouest France (Loire-Atlantique)
À l’Éthiquête, on sublime la cuisine végétale
Bowl de saison, burger lentilles, tofish and chips… À Nantes, l’Éthiquête propose des plats vegan qui ne blessent pas l’environnement. Mais réconfortent en douceur le palais.
De la salle du restaurant, on la voit s’affairer aux fourneaux, seule dans son antre, en tablier noir. Chevelure ramassée à la va-vite en chignon, Claire Populin n’a pas de temps à perdre.
Il est midi et la cheffe de L’Éthiquête, à Nantes prépare les premières assiettes des clients qui s’attablent. Ils n’ont pas hésité longtemps. Sur la grande ardoise au mur, trois plats au choix : bowl de saison, burger à base de lentilles et tofish and chips, où le tofu remplace habilement le poisson. Ici, on mange vegan, c’est-à-dire sans viande, poisson, oeuf, lait, miel ou tout autre produit issu des animaux.
Les animaux, justement. Claire Populin a grandi à la campagne, entourée de poules et de chèvres, à deux pas d’une ferme laitière. Adolescente, elle refuse de manger de la viande. « Dans mon assiette, je voyais des animaux morts. Rejet total. Je suis devenue végétarienne dans une famille qui ne s’y prêtait pas. »
Chez elle, on aime la bonne chère. C’est inscrit dans la culture familiale, italienne du côté du père. « On baignait dans l’alimentation. » Mais c’est loin des fourneaux, « par utopie et soif d’égalité », que la Vosgienne décroche un doctorat en droit et prend la tête d’un service juridique.
« Je lutte à ma façon »
Et puis finalement, la cuisine la rattrape. Pas n’importe laquelle, donc. Du végétal fait maison, pour être en phase avec ses convictions. « Ma reconversion n’a rien à voir avec le droit et en même temps, il y a un lien », souffle la souriante quadragénaire. Elle raconte son besoin d’agir « sur le terrain », en proposant une alternative à la viande. Et résume : « Avec L’Éthiquête, je lutte à ma façon. »
Pour celle qui anime aussi des ateliers sur la cuisine végétarienne, informer les gens, c’est important. Après le service, la restauratrice aime discuter avec les clients, prendre le temps de causer protéines et nutriments. « Les médecins sont très peu formés sur les questions nutritives. »
Croquant, fondant
Ça sent bon dans le petit resto aux 35 couverts. Copieuse, l’assiette de tofish a atterri sous nos yeux. Papilles en émoi, on prend le temps de savourer le plat, croquant, fondant, délicieusement original. À l’heure du dessert, le cheesecake cru offre un grand moment de douceur.
Ici, on trouve aussi des plats sans gluten. « Il y a une vraie demande. De plus en plus de gens sont allergiques », note Claire Populin, qui s’approvisionne en fruits et légumes Provinces bio au Min de Nantes. « J’achète au maximum local et bio. »
La cheffe veut toucher le plus de monde possible et n’écarter personne. Entrées et desserts sont à 4 €, les plats gravitent autour de 12 €. « C’était plus bas au début, mais on a dû augmenter un peu les prix. L’an dernier, avec la crise, on n’a pas eu le choix. Sinon, on ne tenait pas. »
« Compliqué de changer les mentalités »
Il est 13 h et le petit resto à l’ambiance décontractée a vu passer du monde. Des habitués pour la plupart, qui mangent sur place ou repartent lestés de petites boîtes en carton. Une clientèle jeune, essentiellement. Qui trouve tout à fait normal de débarrasser son assiette et de faire le tri dans un meuble avec des bacs. L’un d’eux est récolté régulièrement par l’association Les Alchimistes, qui transforme les biodéchets en compost. «On n’a pas attendu que la loi nous y oblige pour s’y mettre. »
Les temps changent. On ne compte plus les gourmands, pas forcément végans ou végétariens, attirés par le végétal. Séduites par ce nouveau terrain de jeu, de grandes toques s’y frottent, encouragées par le guide Michelin qui a lancé l’étoile verte pour saluer les chefs qui privilégient le bio et les circuits courts.
Pourtant, en France, « c’est compliqué de changer les mentalités. Le lobby de la viande et des produits laitiers est tellement puissant, soupire Claire Populin. Les touristes étrangers sont surpris d’avoir si peu d’offres vegan à Nantes. »
Oui, confirme la cheffe, la cuisine végétale a pris son envol. « Mais n’oublions pas que la population mondiale augmente et avec elle, la consommation d’animaux d’élevage, dont le coût environnemental est énorme. »
L’Éthiquête, 14, rue Armand-Brossard, Nantes. Ouvert uniquement le midi, du lundi au vendredi, de 12 h à 14 h 30 ; le samedi, de 12 h à 15 h. Contact. Tél. 02 40 48 20 02.