Dimanche Ouest France (Morbihan)

Cette ville en Inde qui ne fait rien comme les autres

Un temps endormie, Cochin, la « Perle de la mer d’Arabie », est en plein renouveau et veut se poser en alternativ­e à taille humaine, face aux mégapoles polluées du reste de l’Inde.

- Cochin. De notre correspond­ant Côme BASTIN.

Pour ses espaces d’innovation­s technologi­ques et sa qualité de vie, Cochin a été classée parmi les vingt et une villes les plus prometteus­es au monde par le cabinet d’analyse Cognizant.

« J’imaginais Cochin comme une ville provincial­e, mais je ne repartirai pour rien au monde, raconte Monolita Chatterjee, architecte de 47 ans qui a vécu à Calcutta, Delhi et Bangalore (Inde). Cochin offre une culture urbaine vibrante et un cadre de vie relaxant. On peut facilement s’échapper dans les montagnes ou sur les plages du Kerala. »

Avec 3 millions d’habitants, Cochin a longtemps été reléguée au rang de ville moyenne ennuyeuse, simple porte d’entrée des touristes dans l’État du Kerala. Mais depuis dix ans, la métropole, répartie sur onze îles, se métamorpho­se. De retour après le Covid-19 depuis janvier, sa biennale d’art contempora­in en est l’illustrati­on la plus frappante.

Un métro aquatique

Dans le dédale de ruelles et de bâtiments de l’île historique de Fort Cochin, ce festival expose une centaine d’artistes de vingt-quatre pays. Beaucoup explorent les tabous de genre et de caste, ou bien les problémati­ques du dérèglemen­t climatique. On y interroge les blessures de la jeune démocratie : la partition avec le Pakistan, la rivalité avec la Chine, la disparitio­n des cultures locales, les affronteme­nts interrelig­ieux… Alors que les fondamenta­listes s’attaquent dans le reste de l’Inde aux artistes « anti-hindous », un vent de liberté souffle sur Cochin.

« De nombreux bâtiments décrépis sont rénovés en cafés ou en ateliers », s’enthousias­me Bose Krishnamac­hari, l’un des commissair­es de la biennale.

« Cochin est devenu un lieu de rencontre pour tous les créateurs d’Inde et du monde », juge Firoz, peintre de 50 ans.

D’aucuns pensent que Cochin repose sur les restes du port mythique de Muziris, où Grecs et Phéniciens jetaient l’ancre… Muziris, comme le nom de la biennale. « Cochin se transforme en gigantesqu­e hub (réseau) maritime et militaire pour l’Inde. Nous voulions relier cette cité tournée vers la mer à son passé millénaire d’échanges culturels », explique Bose Krishnamac­hari.

« Cochin n’a pas subi les migrations massives d’autres villes indiennes et a su contrôler sa croissance, analyse Rajan Chedambath, chercheur et urbaniste pour la municipali­té. Dotée d’un métro aérien en 2011, de vélos partagés depuis 2018, la ville va faire entrer en service son « Water Metro » : le plus grand réseau de transport en bateau électrique du monde ! Nous avons aussi le premier aéroport entièremen­t alimenté à l’énergie solaire. »

Pour les communiste­s qui dirigent la région du Kerala, opposés au pouvoir indien (incarné par le nationalis­te Narendra Modi), Cochin fait office de modèle écologique, culturel et politique. Il suffit de se balader parmi la foule sur la promenade de Marine Drive, où poussent les gratte-ciel, pour prendre la mesure des mutations de la ville.

Mais rien n’est gagné. « Il est urgent de nettoyer les canaux souillés qui finissent dans la mer », insiste Rajan Chedambath. Le futuriste Water Metro, qui a coûté 100 millions d’euros, «ne marchera que si l’on convainc les habitants de laisser tomber leurs voitures pour les déplacemen­ts en ville », juge Lokanath Behra, directeur des transports urbains. Des problémati­ques partagées par d’autres villes indiennes, face auxquelles Cochin veut prendre une longueur d’avance.

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| PHOTO : CÔME BASTIN, OUEST-FRANCE Les filets de pêche ancestraux, le Water Metro et la promenade piétonne de Marine Drive.

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